L’uniforme à l’école ?

Sur le plan sociétal et politique, cette question du retour de l’uniforme à l’école me plait beaucoup. Je rajouterais même qu’en tant que père d’un petit de cinq ans, elle me simplifierait la gestion quotidienne. Finie la question du soir, il met quoi demain ? Et au moins, plus de pression sociale du copain qui est habillé en Ralph Lauren et moi pas. Question économique lissée.

Mais alors, je sens qu’avant de voir le moindre uniforme dans nos cours de récréation, les débats sur la forme vestimentaire à adopter vont être sans fin. Cette question de l’uniforme est le nouvel avatar d’une vieille querelle bien française et bien classique, celle des Anciens et des Modernes. Querelle jamais éteinte et chaque fois envenimée, avec une égale délectation, par l’État comme par les citoyens. Et cette fois les choses vont atteindre à une sorte de perfection. Question du genre et de son expression ou non-expression. Possibilité d’un habit non-binaire. Débat sur la couleur. Matières naturelles contre artificielles. Tolérance à la fabrication à l’étranger. Achat par l’État ou par les parents. Et quid de l’entretien. Un feu d’artifice comme rarement vu.

Lorsque j’étais au collège à Bayonne, nous avions un uniforme. Seulement pour le sport. Un maillot vert à col V bordé de jaune. Bermuda à discrétion. Ce maillot fournit chez Peytavin était charmant. Le fruit d’un accord sans marché public, j’étais dans le privé. Il était trop grand et je pense que ma mère il y a peu le portait encore au jardin. C’est dire qu’il aura servi. Sur les photos du cross annuel, il est charmant de voir tout ces garnements habillés pareils. Filles, comme garçons.

Lorsqu’Aéroport de Paris m’avait demandé de participer à leur vidéo interne de promotion du nouvel uniforme, le journaliste m’avait questionné avec insistance sur l’importance de l’uniforme. Pas évident d’y répondre.  Je ne suis pas sociologue. Toutefois j’avais pu argumenter que cela renforce l’esprit de corps dans une entreprise, et cela donne une visibilité également, dans un environnement chamarré. Enfin, cela donne aussi un lustre et un prestige. Il peut y avoir attachement à l’uniforme. Trois arguments qui au fond, pourraient s’appliquer à l’École, au Collège, et au Lycée.

En uniforme, on pourrait reconnaitre un élève instantanément. Se dire qu’il s’y rend, ou la quitte, bref qu’il est dans le temps scolaire.

En uniforme, on pourrait reconnaitre aussi, et peut-être, le niveau scolaire. Ici un primaire, là un collège.

En uniforme, on pourrait gommer les différences culturelles et financières… je vous laisse disserter vous-même sur cet axe de réflexion.

Allons plus loin pour rigoler. Et si chaque région, ou département choisissait son uniforme ? Ne pourrait-on pas s’amuser de voir les collégiens de Bretagne avec des couleurs différentes de celles du Var ? Les Français rêvent de référendums locaux. En voilà un d’excellent niveau. Autrement, ne pourrait-on pas mettre un galon spécial ou une babiole sur la poitrine du chef de classe ? Mais là, je m’éloigne terriblement.

Soyons terriblement terre à terre. Cet uniforme, il en faudra quatre, été et hiver, garçon et fille. Ces dernières seront-elles astreintes à la jupe et au collant blanc ? J’en doute un peu. Les filles ont le droit au pantalon. Au moins, c’est plus simple. Tout le monde en pantalon et bermuda l’été ? Et le haut ? Je ne suis pas sûr que la chemise à repasser remporte les suffrages des parents. Un t-shirt pour tout le monde associé à un pull l’hiver ? Un polo toute l’année, déclinée en manches longues et en manches courtes ? Voilà une idée intéressante. Le pull serait-il col V ou col rond ?

Puis, les couleurs ? Je crois que le bleu va être dans tous les esprits. En France, nous avons un bleu nuit tellement profond qu’on dirait du noir, il est utilisé pour l’uniforme de l’Académie Française. Il s’agit du bleu national. Il aurait toute sa logique. Les anglais associent volontiers un bas gris et un haut bleu. Ferait-on pareil ? Ou alors, nous, on pourrait avoir un bas bleu horizon et un haut bleu national. Camaïeu de bleus intéressant.

Si on osait un peu… si on osait être français. On pourrait avoir un bas bleu, un polo blanc et un pull rouge vermillon… Ah voilà qui aurait une franche allure. Un panache avec force dignité. Mais alors je rêve à cent miles et qui est d’ailleurs l’uniforme à Monaco. Car quand je vois l’uniforme blafard qu’a sélectionné la SNCF, je me dis que c’est pas demain la veille qu’on aura quelque chose d’élégant ici pour habiller nos bambins. Je pense même qu’on serait capable de choisir un uniforme noir…

L’émission par l’État d’une norme de couleur permettrait aux fabricants de caler leurs productions et de décliner les matières, c’est certain. Mettons que le drap bleu national soit sélectionné, avec le Pantone associé. Les parents pourraient sélectionner chez Décathlon, Carrefour, Petit Bateau, Saint James ou Les Galeries Lafayette les pantalons de leur choix. Encore faudrait-il édicter une norme de coupe, pour ne pas se retrouver à faire de la police du vêtement comme dernièrement. Mais disons que les filles au collège et au lycée pourraient choisir trois styles de pantalons : legging, coupe droite, coupe ample ? A minima pour éviter les histoires. Les garçons se contenteraient-ils d’une coupe eux ?

En haut, l’avantage d’avoir des mailles (polo et pull) est la relative élasticité des jerseys, qui très facilement peuvent être unisexes, d’où une économie d’échelle. Reste à savoir s’il sera possible d’acheter là le modèle en matière naturelle ou ici en matière artificielle. Il y a fort à parier que ces dernières, de nettoyage et de séchage plus simples, remporteront les faveurs. Sans parler de coûts d’achats plus faibles.

En allant au bout de la réflexion, il est probable que la netteté du style BCBG que je décline soit rejetée, pour un style franchement sport, jogging en bas, sweat en haut. Les français aiment ce qui fait moderne. Le pantalon à pli et le polo repassé, ça va effrayer.

Une question serait intéressante à poser également. L’uniforme à l’école ferait-il baisser les ventes de vêtements pour enfants ? A part week-end et vacances, il n’y aura plus de besoin de vêtement de tous les jours, remplacés par un uniforme, certes qu’il faudrait avoir en plusieurs exemplaires, mais loin du volume que l’on peut entasser. L’uniforme serait-il alors écologique ?

Au pays de la Mode, il sera difficile de trouver l’unanimité et le consensus sur ce sujet. Chacun y mettra son grain de sel, et Jean-Charles de Castelbajac ou Ines de la Fressange seront ravis de dessiner des uniformes, que certains jugeront géniaux ou ringards. Pour les quelques fabricants français encore survivants, cela serait aussi l’occasion d’une formidable mise en avant de leurs compétences. Un made-in-France infinitésimale mais logiquement preneur d’un tel mouvement.

A l’heure où les anglais posent la question de la fin de l’uniforme, nous posons ici la question inverse. Et plus le temps passe, plus cette question apparait tranchante. Une question de survie de l’esprit républicain et de son école ? Les hussards noirs ont fait l’école de la République, avec pour mission de donner une instruction obligatoire, gratuite et laïque, l’uniforme aiderait-il à en pérenniser l’esprit?

Belle semaine, Julien Scavini

16 réflexions sur “L’uniforme à l’école ?

  1. Avatar de Luc Luc 12 septembre 2023 / 08:04

    Article très intéressant qui promet des débats épiques à la Française digne d’une « tempête dans un verre d’eau ».

    Ceci dit j’ai lu qu’il n’y a pas de « retour » de l’uniforme à proprement parlé, car celui-ci n’a jamais été imposé selon l’historien de l’Education Claude Lelièvre, ni nationalement, ni localement, sauf très ponctuellement par Napoléon au moment de la création des lycées de garçons. Il rajoute que « Il a pu en revanche être imposé dans certains établissements secondaires, sous la forme d’uniformes ou de blouses-uniformes, mais il s’agissait de décisions inscrites dans le règlement intérieur ». On chipote certes mais on présente cet uniforme comme le retour d’une rigidité autoritaire.

    Je trouve l’idée de l’uniforme très bonne pour les raisons que vous évoquez très justement. Ca me rappelle la féérie des premiers épisodes de Harry Potter. Un angle d’approche qui serait plus malin d’ailleurs. Bonne semaine.

  2. Avatar de Nicolas Marie Nicolas Marie 12 septembre 2023 / 11:16

    J’oserais corriger votre « en temps » que père par « en tant » que père.
    Merci pour cet article plein de sagesse.

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 13 septembre 2023 / 20:28

      Oh pardon et merci

  3. Avatar de Anto Anto 12 septembre 2023 / 12:21

    je suis d’accord sur le principe, mais pourquoi « retour » de l’uniforme à l’école, l’uniforme n’a jamais été porté dans les écoles publiques en France.
    Quelques industriels du textile bas de gamme doivent bien faire du lobbying avec 12 millions d’élèves à costumer mais je ne suis pas convaincu que les gaulois réfractaires chers au président Macron seront capables d’adopter les mœurs anglo-saxonnes…

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 13 septembre 2023 / 20:28

      C’est fort probable.

  4. Avatar de Pierre Pierre 12 septembre 2023 / 13:52

    Article très intéressant !
    Lorsque j’étais en Côte d’Ivoire, il y a 20 ans de ça, l’uniforme imposé se limitait à la couleur : les élèves de maternelle portaient un Vichy bleu (on achetait le tissu et on faisaitconfectionnerla tenue par un tailleur de rue), puis à compter du primaire les garçons étaient en beige et les filles en haut blanc et jupe bleue, tout çasans que n’apparaisse la moindre marque. Et tout le monde portait en sport le même short bleu et le maillot de l’établissement.
    Ça avait l’avantage de gommer les différentes sociales et d’éviter les jalousies.

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 13 septembre 2023 / 20:28

      Merci pour ce témoignage.

  5. Avatar de Thomas Thomas 14 septembre 2023 / 08:55

    Pendant la lecture de l’article, il me démangeait de cliquer sur le bouton « j’aime ». Réaction contemporaine faisant suite à l’appréciation d’un contenu, évidemment.

    A défaut, je le partage dans votre section commentaire.

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 15 septembre 2023 / 21:15

      Merci !

  6. Avatar de zinjero zinjero 16 septembre 2023 / 20:51

    Pour « un style franchement sport, jogging en bas, sweat en haut », l’État pourrait donner le marché à l’équipementier sportif Macron.

  7. Avatar de Andrés Sorin Andrés Sorin 19 septembre 2023 / 11:58

    Je propose un uniforme couvrant. En Argentine on porte une blouse blanche à l’école primaire. On met ce qu’on veut en dessous et la blouse cache le tout. C’est beaucoup plus simple.

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 20 septembre 2023 / 20:45

      En effet, c’est le plus simple, j’y pensais.

  8. Avatar de nadrahasnaoui nadrahasnaoui 2 octobre 2023 / 00:56

    Bonjour,

    Merci pour cet article !

    J’entends les arguments pour l’esprit corporate, pour le gommage des inégalités à l’intérieur de l’établissement. Cependant, je trouve cette obcession de l’uniformisation difficilement réalisable et un peu anachronique.
    L’argument sur le gommage de la classe sociale des enfants tombe à l’eau, dès lors où l’on conçoit que ce sont les bahuts où l’on étudie qui déterminent la classe sociale des gamins.

    Certains diront que non seulement on impose une certaine façon de voir le monde dans les programmes scolaires, mais en plus il faudrait ajouter à cela une contrainte supplémentaire sur le corps ( rester 30h sur une chaise n’est pas suffisant).

    Par ailleurs stylistiquement la vrai question :
    Est-ce que l’uniforme sera moche ? Faire un débat national pour finir en pull polo noir ou bleu nuit : passez devant un collège vous verrez qu’un uniforme existe déjà, les gamins sont déjà tous habillés comme ça.

    Belle journée,

    Nadra

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 2 octobre 2023 / 20:34

      Excellent, c’est vrai !

  9. Avatar de Ludovic Picinati di Torcello Ludovic Picinati di Torcello 8 février 2024 / 17:29

    Bonjour,

    Petit partage d’expérience…

    J’ai moi même fais le choix de mettre mon fils dans un collège en Belgique qui est un des derniers à revendiquer le port de l’uniforme dans ses valeurs. Il s’agit d’un Internat dans l’esprit britanique. Et c’est vrai que cela donne un petit côté Harry Potter qui a de la « gueule » quand l’uniforme est bien porté.
    Et c’est là que cela devient intéressant car les jeunes aiment malgré tout exprimer leur personalité.
    A 12 ans mon fils était plutôt fier de son uniforme et était assez respectueux des codes.
    A 13 ans il cherchait plutôt à les déjouer et à « tricher » par rapport au règlement.
    Maintenenant, à 14 ans il commence à hériter de belles pièces de ma collection de chemises (trop petites pour moi) et il aime les porter fièrement. Donc l’uniforme reprend de l’intéret car avec de l’éducation et de la curiosité pour la chose, il permet malgré tout de montrer sa différence.

    Par contre fini de quitter l’internat le vendredi en uniforme impecable comme cela était obligatoire dans le passé. Ils ont tous leur tenue « sportswear baggy » avec eux, et qu’ils enfilent prestement pour prendre leur bus/train du retour à la maison.
    Histoire de montrer à tous leurs camarades et aux filles.., qu’ils ont aussi leur « style » !
    C’est également leur tenue lorsqu’ils se retrouvent le week-end à Bruxelles !

    Donc la question de l’économie de vêtements et l’écologie est absolument une illusion. Le style et le shopping fait partie de leurs préocupations premières, au même titre que pour tous les enfants qui ne portent pas l’uniforme.

    Je dois ajouter que hormis la cravate fournie par l’école, en ce qui concerne les autres pièces de l’uniforme les parents peuvent se les procurer ou ils le souhaitent.
    Il s’agit de chaussure de ville a semelles foncées, d’un pantalon gris foncé pour les garçon (Les filles ont le choix de la jupe ou pantalon bleu ou gris) et de chemises blanches ou bleu ciel. les careaux et lignes sont tolérées.
    Pul et balzer bleu marine au choix. Cravate obligatoire seulement pour les examens et évênements spéciaux.

    Donc là aussi il y a moyen de jouer sur les coupes et les matières pour sortir du lot.

    Cordialement
    Ludovic

    • Avatar de Julien Scavini Julien Scavini 12 février 2024 / 21:29

      Merci pour ce retour !

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