Le bal de l’X

Vendredi soir avait lieu à l’Opéra Garnier l’un des évènements les plus mondains de la saison, le bal de l’Ecole Polytechnique. En avant soirée, j’ai eu l’occasion de regarder de plus près l’uniforme d’un des élèves. L’occasion intéressante d’observer une pièce à taille de plus près ; les tuniques militaires étant toujours captivantes à regarder, avec leur allure rigoureuse et leurs gros boutons dorés.

Alors, faisons un peu d’histoire. L’École Polytechnique fut officiellement créée durant la Révolution Française mais elle reste pour autant associée à l’Empire. En effet, Napoléon 1er lui conféra le statut d’école militaire, obligeant par là l’élite des ingénieurs à servir sous les drapeaux. Notons d’ailleurs que l’ingénierie fut originellement une activité des militaires, plus précisément, le génie. Cela remonte de l’époque romaine, où les ‘ingénieux’ concevaient de l’architecture et des machines, notamment de guerre. Vitruve nous ayant laissé dans son livre le De Architectura une somme de connaissance sur l’époque. Quelques architectes passèrent par l’Ecole Polytechnique, dont Jacques Nicolas Louis Durand, le père du rationalisme architectural. Mais je digresse.

Le 121ème bal ayant eut lieu samedi, ce fut l’occasion de voir dans Paris et son métro des hommes en uniforme, chose assez rare maintenant que nous vivons dans une société relativement démilitarisée. Qui pourrait citer le nom d’un général de nos jours ? Bref, j’ai eu l’occasion de regarder sous toutes les coutures une de ces tuniques, faite d’une épaisse serge de laine noire.

L’uniforme est constitué d’une tunique croisée, à sept boutons dorés, dépourvue de poche extérieure et ceinturée à la taille. Elle se complète d’un pantalon droit à plis avec un triple galonnage rouge en baguette. Les souliers sont des bottines type équestre à élastiques. La chemise possède un col cheminée court et des poignets mousquetaires, sur lesquels sont fixés des boutons de manchette dorés aux armes de l’École. Enfin, quelques accessoires, un bicorne placé dans l’axe du chef, des gants blancs et une épée. Pour parfaire la tenue, un faux col est fixée à l’intérieur du col officier. Mais pour des raisons pratiques, ce faux col est en fait un morceaux de plastique blanc, ce qui donne bien chaud au porteur de l’uniforme.

Et c’est ici la limite de la tradition. Il devient assez hasardeux de conserver la forme d’un héritage sans en préserver le fond. A l’instar de ce col en plastique, la tunique elle-même a subi les affres de la modernisation et est maintenant dépourvue de couture de taille. L’effet est moins net, la structure est rigide et non pas fluide comme peuvent l’être les pièces ajustées. Ceci dit, c’est une critique à la marge, l’effet restant assuré ! Le fabricant de ces pièces de série : Balsan, heureusement encore une entreprise française qu’il convient de saluer.

Pourtant, il fut une époque où tailleurs et militaires, notamment cadet de l’X avaient en commun. A l’instar de la médecine où il faut passer une certaine note pour être reçu dans le numerus clausus, il faut à Polytechnique passer la barre du tailleur, c’est à dire une certaine note permettant d’être reçu et par là même de filer se faire confectionner son grand uniforme !

Julien Scavini

4 réflexions sur “Le bal de l’X

  1. Bigstop 19 mars 2012 / 21:16

    Le parfum que dégage cet uniforme et l’apparats de cette soirée dégagent un parfum fort sympathique.

    Mais quelle tristesse se dégage de cette tenue ! Je regrette pour ma part l’âge d’or des uniformes. Il fut une période où militaires et tailleurs se fréquentaient beaucoup. Ainsi, sous l’Empire, tout officier allait se faire tailler ses uniformes entre chaque campagne chez son tailleur (souvent italien, déjà) préféré. Ayant lu beaucoup de mémoires, j’estime qu’il faudrait écrire un livre sur la question. Tous consacrent une page où deux à la relation qu’ils entretenaient avec leur tailleur. Je pense que la tradition remonte encore plus loin. Mais il faut citer des personnalités comme Murat, ce maréchal qui tenait tant à briller par ses uniformes, toujours à la pointe de la mode, et qui inspiraient ensuite toute la grande armée. Lorsqu’on s’intéresse à l’uniformologie, on est bien vite perdu car les officiers avaient tendance à s’inspirer très librement des instructions et à doter leur tenue d’une dose d’originalité conséquente.

    On constate cette coquetterie jusque sous le Second Empire, où les tailles sont très ajustées. Et puis le règlement prend le pas petit à petit pour aboutir à ces tenues exclusivement fonctionnelles et si tristement inspirées même pour ce qui est des tenues de gala…

  2. eudesmariehartemann 22 mars 2012 / 12:50

    Jean Nicolas Louis Durand… Voilà qui me rappelle le travail que j’avais rédigé sur lui en licence d’histoire. Je l’avais sobrement intitulé « Durand, de l’architecture de la Révolution à la Révolution de l’architecture ».
    J’étais lyrique, à l’époque.
    Précisons simplement, si vous me le permettez, que Durand est passé par Polytechnique, mais pas en tant qu’élève : en effet, il a été professeur à l’X dès sa création – et initiateur, si ma mémoire est bonne, du cursus d’architecture.

    Et, pour répondre à M. Bigstop, il n’y a pas que les officiers de l’Empire qui aient fréquenté les tailleurs. Mon grand-père et mes grands-oncle, par exemple, avant-guerre, se faisaient faire tous leurs uniformes chez un tailleur de Saumur (et leurs bottes chez un bottier voisin). En réalité, presque tous les officiers étaient vêtus en grande mesure.

  3. Frydman Charles 11 juin 2013 / 08:00

    Quelques polytechniciens furent fils de tailleur, et pour eux passer la « barre du tailleur » devait leur faire chaud au cœur.
    Comme si réussir polytechnique pouvait se résumer à avoir l’honneur de se faire faire le grand uniforme chez le tailleur !!!

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