En cette période électorale propice à toutes les prises de parole, je voudrais moi aussi ajouter ma petite pierre à l’édifice, mais attention, je ne suis candidat à rien ! Si ce n’est un peu plus d’élégance partagée…
Cela fait longtemps que je veux écrire une courte chronique sur les voies de l’élégance ; j’entends les méthodes et styles employés par certains hommes pour se vêtir. Si l’on a toujours énoncé que l’élégance était d’abord une question de discrétion, force est de reconnaitre que la prime à la discrétion va de nos jours aux moins élégants. Promenez-vous en survêtement et t-shirt et vous serez discret, incontestablement. A l’inverse de nos amis italiens qui ont repris le flambeau de la mode masculine, que les anglais, par déliquescence sociale ou autre ont perdue. Les transalpins n’ont pas hésité à s’emparer d’un vestiaire britannique classique pour en exagérer le fond et la forme. Du flegme, nous serions passés aux rodomontades. Pourquoi pas, car au final, il s’agit de faire des affaires, et si le style italien plait plus, alors … Ce qui me gêne, c’est en quelque sorte cet excès.
Je lisais récemment sur un excellent blog une belle approche du terme chic. Force est de constater que ce mot est employé pour beaucoup de choses, sans beaucoup de sens. Une sorte de Beau qui ne voudrait pas l’être ? Il me fait indéniablement penser à cet autre élément lexical terriblement années 80 : sophistiqué ! Ce qui était beau alors était ce qui était sophistiqué. Cela signifiait à la fois une recherche sur la forme poussée, au service d’un fond très étudié. Au final, cela servait surtout à vendre, des costumes aux proportions excessives et des cravates excessivement aquarellées. Puis vint l’ère Slimane qui versa dans un autre excès, celui du ridulement petit et monochrome.
D’un excès à l’autre, je crains précisément que nous soyons actuellement dans une autre forme d’anglomanie italienne. Les traditions anglaises se sont déréglées, soit. Faut-il à ce point dépasser la mesure pour autant? Et de voir des messieurs se ruer sur des costumes aux revers de 12 centimètres qui se plaignent quand les crans – des revers – ne sont pas si haut qu’ils pourraient tomber dans le dos.
Alors en vérité je vous le dis, attention à toutes les formes d’excès. Gardez le sens commun et celui de la mesure. Telle est ma consigne. Et si d’aventure vous étiez tentés d’aller à l’extrême, comme je le dis souvent à mes clients, choisissez l’extrême moins un ! Par exemple, est-il de bon ton de faire un revers de six centimètres ? Alors faites en un de six moins un et serrez les dents, ça passera. Je ne cherche pas à adoucir tous les discours, mais à éviter l’enfermement de certains élégants dans des élégances carcans. Si la mode change, vous aurez alors à jeter tous les revers. Non pas qu’il ne faille pas avoir de style, mais ce style pourrait être fait d’une plus grande diversité, deux ET trois boutons, bas revers ET ourlets simples, épaules classiques ET napolitaines. Rester l’arbitre des élégances, c’est regarder du centre en plusieurs directions, sans forcément trancher.
Et repensez à ce mot chic. Remplacez le par l’adjectif raffiné. Avec ce terme, plus de référence au bon goût (italien par le moment ?) subjectif mais une assurance, celui de la recherche du fin, du subtil et du délicat. Voici finalement, ma profession de foi, une position à la française ?
Julien Scavini
J’ignore si c’est une position « à la française », mais je souscris et contresigne.
Pour en revenir à terminologie, le mot « élégance » est passé de mode. (Tant mieux !) Il est désormais connoté « pesanteur », « vieux » et « conformisme ». On lui préfère effectivement « chic », plus léger, plus frondeur, plus « twist », plus… fun. Mouais. Vive l’élégance ! D’autant que le mot « chic », dans son usage premier, reste sujet à caution…
Magnifique, vous avez absolument raison.
Quant à la nationalité de la « position » je vous aurais volontiers proposé l’helvetique, connue pour sa mesure et sa neutralité. Hélas ici aussi les gens sont habillés comme des sagouins.
C’est ce que ma rapporté un client suisse 😀
Bonjour Julien, bonjour Borelek.
J’imagine être le client suisse auquel Julien fait référence et malheureusement, je me dois de réitérer mon propos, même si cela reste des généralités bien entendu.
Les nombreuses influences culturelles auquel notre pays est soumis n’aident en rien. Cela sans parler d’une mentalité protestante encore bien présente chez certains. De plus, force est de constater que notre époque est pour le moins marquée par un manque d’élégance et je pèse mes mots !
Sages propos de l’excellent Julien !
Je concorde avec ce manifeste d’opinion, qui n’est qu’un plaidoyer pour le bon sens appliqué au style vestimentaire. Mes opinions étant celle d’un conservateur éclairé, je ne peux que partager la position qui consiste à prendre ce qu’il y a des bon dans toute chose, en refusant les excès et les diktats (position, hélas, de plus en plus minoritaire, mais heureusement le gout n’est pas une affaire de démocratie).
Etant turinois (donc italien du Nord), assez anglophile dans le style et vivant en France, je suggère donc que la « posizione alla francese » (qui n’est pas une prouesse érotique, comme pourraient le supposer les esprits crapuleux…) pourrait bien être la synthèse entre le formalisme de l’Angleterre édouardienne et la nonchalance de la Dolce Vita.
Très bonne journée à Julien et à ses lecteurs
Le chic… On dit généralement qu’il est indéfinissable. Et on ne croit pas si bien dire. Indéfinissable : au sens propre.
« Choisissez l’extrême moins un » : je retiens la formule !
Amitiés.
Je me méfie un peu du mot chic qui suppose quelque chose de visible, donc de pas tout à fait élégant.