Comment coudre un gilet

La finale de Cousu Main a donné lieu à une situation cocasse et pourtant bien connue des couturiers, la pièce impossible à retourner et dont on ne trouve pas la sortie. Edith hélas est tombée dans ce piège terrible, alors même qu’elle sait le faire, la robe de Jackie Kennedy étant basé sur le même principe de l’emmanchure qui bloque le retournement à la fin.

Je connais deux méthodes pour coudre un gilet. J’en présente une pas à pas. Peut-être en existe-t-il d’autres.

Pour obtenir un gilet avec dos en doublure, il y a de nombreuses étapes, et je n’avais pas le temps de faire un prototype en vrai, j’ai donc dessiné :

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On commence par couper son tissu. Première étape, coudre la pince. Il existe plusieurs méthodes pour ne pas avoir d’irrégularité en haut de la pince : couture nervure sur 1cm ou compensation de l’épaisseur avec un biais, ce que l’on fait en tailleur. La pince est ouverte sur sa plus grande longueur, sauf sur les 5 derniers centimètres où un biais est cousu pour compenser. Ce biais permet aussi de faire l’arrêt machine.

Ensuite, on trace à la craie l’emplacement de la poche passepoilée. C’est Astrid qui là fut en difficulté. Révisons, avec des photos. Les couturières amateurs ont tendance à couper d’abord et à venir plaquer des passepoils préformés derrière. Beurk. On pique pas non plus en faisant un rectangle, ce qu’Edith à fait (on fait ça dans la doublure uniquement).

Sur le devant, on trace à la craie. On prépare aussi les deux sacs de poche, avec la même pente. On place un fond derrière, centré en haut, et on bâtit.

Ensuite, on prépare les deux passepoils. Sur l’envers, j’applique un thermocollant fin genre vizeline, blanc, pour pouvoir écrire au bic dessus. On bâtit un passepoil d’abord dont on marque les extrémités. On bâtit ensuite le second passepoil. Et on va piquer à la machine : on coud à partir de la même extrémité les deux, bien sur la ligne, en s’arrêtant bien sur le repère, avec trois points d’arrêts. On vérifie sur l’envers le travail. (surtout que le fond de poche ne s’est pas plié en deux sous la machine). Et un passepoil, ça fait 4 à 5mm de large, pas plus, pour une poche de 1cm de large !!

Ensuite il faut travailler vite et avec légèreté. Tant que la poche n’est pas finie, elle est fragile. Donc on ne commence pas le soir pour s’arrêter au milieu, on va jusqu’au bout. Il faut fendre le milieu du milieu, puis couper une ligne droite au centre de la poche, en s’arrêtant 1cm avant la fin de la poche. Et là, l’opération la plus dure de la poche : cranter (couper) les capucins, c’est à dire 4 petites diagonales qui vont de la ligne médiane au bout de la piqure machine. Jusqu’au dernier point et au demi-millimètre près. Il ne faut pas hésiter à couper. Car si vous ne coupez pas bien, vous ne pourrez pas basculer vos passepoils proprement. C’est dur, oui je sais, pendant 3 mois je n’ai fait que ça tous les jours pour apprendre. (On ne coupe pas les passepoils en diagonale, c’est pour ça que je le plaque avec le pouce).

 

 

Il faut ensuite aller à la table à repasser. On commence par passer délicatement un passepoil à l’envers. Et on ouvre sa couture. Oui oui, on ouvre les coutures de ces petits trucs en tailleur ! C’est plus fin. On fait le premier, puis on le repasse à l’endroit (orienté dans l’autre sens maintenant). On passe sur l’envers le second passepoil alors. Et on le repasse aussi. A la fin, on bascule de nouveau le premier passepoil sur l’envers et on se retrouve avec une poche qui prend forme.

 

 

Maintenant, deux techniques : soit on pré forme au bâti le passepoil et on le pique machine, soit on va plus vite comme les tailleurs, on prend une aiguille et on fait des points perdus dans le sillon, en formant à l’œil les passepoils. On commence et on finit 1cm avant les extrémités. C’est très propre, mais il faut un peu d’entrainement. On a alors un poche propre que l’on peut repasser sur l’envers, en formant bien les petits rouleaux (extrémités des passepoils, sur l’envers). Les petits capucins auquel on fait attention depuis le début sont bien sages à l’endroit.

 

 

Ces petits capucins, on les rabat gentillement avec une épingle. Un rapide coup de fer et on part sans perdre un instant à la machine à coudre, faire les ‘arrêts machines’, deux ou trois passes. Bien au ras. Avant la machine, on bâtit les passepoils ensemble, pour éviter que la poche vrille ou ouvre. Les passepoils doivent rester parallèles. (Il faut après ça replier le passepoil du bas et le piquer nervure sur le fond de poche, impossible pour moi, passepoil trop petit).

 

 

Reste à finir. Sur le deuxième fond de poche, on coud une parementure, pour éviter de voir le fond de poche de l’extérieur ! On l’applique avec deux épingles et on pique une première fois le long du passepoil haut, bien au ras, en soulevant toutes les couches. On pique ensuite le U du fond de poche lui même. C’est simple et rapide là !

En tailleur, on finit même par une demi-lune, broderie légère de petits points perdus, en arc de cercle, à chaque extrémité. Cela solidifie la poche.

Évidemment, il faut piquer les passepoils dans une autre couleur que blanc, sinon cela se voit aux coins. La demi-lune à la main permet en partie de camoufler ces petits défauts.

 

Revenons au gilet. Maintenant que les poches sont faites, on assemble la parementure du gilet avec sa doublure (trait rouge). Gardez un grand morceau de doublure, surtout aux emmanchures, on recoupe après. Les empiècements comme ça ont toujours tendance à vriller et rétrécir un peu.

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Puis, endroit contre endroit, on pique le devant et sa doublure+parementure. On pique devant+bas et emmanchure. On recoupe et on retourne. On fait en sorte d’avoir une belle pointe en bas et des arrondis élégants. On laisse ouvert l’épaule et le côté.

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On réaliser la même chose avec le dos. Endroit contre endroit, on pique l’emmanchure, l’encolure et le bas. On laisse ouvert les côtés et les épaules.

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Maintenant on finit, et ça se corse. A l’intérieur du dos, on enfile les deux devants, comme dans un gros sac à patate. On bâtit les épaules et on bâtit les côtés. C’est lourd et confus, mais simple dans le fond. On pique alors le sandwich aux épaules et sur les côtés. Est-ce clair? Il faut ménager une interruption de couture sur un des côtés, pour retourner justement. A vrai dire, il faut laisser ce trou uniquement sur l’intérieur, en piquant quand même l’extérieur. ahaha je vous laisse trouver ça.

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Si tout va bien, il suffit de retourner le tout et le gilet émerge, comme par miracle, d’un gros sac de nœuds.

Voilà, j’espère que ce tutorial va vous aider dans vos prochaines réalisations. Pas facile de représenter autant d’étapes ! Bon courage.

Bonne Pâques et bonne semaine, Julien Scavini

 

15 réflexions sur “Comment coudre un gilet

  1. Edith 28 mars 2016 / 16:57

    Ah voilà un bon tuto qui aurait pu m’être utile à une époque ! 😉
    Merci Julien !
    Bises

  2. Sylvie 28 mars 2016 / 22:20

    Merci Julien! Yapluka essayer…

  3. byanhor 28 mars 2016 / 22:22

    Bonjour Julien
    Mais qu’est ce donc que cette technique de compensation par un biais sur une pince ? Voilà la curiosité piquée au vif 😊

  4. carole 29 mars 2016 / 13:58

    J’ai adoré les deux saisons Cousu main.Merci Julien pour ce tuto.

  5. ERIC PIZZOLATO 7 avril 2016 / 11:32

    Pare contre, le thermo-collant dans le gilet c’est une catastrophe quand ça se décole et on est loin du sur mesure.

  6. ERIC PIZZOLATO 7 avril 2016 / 11:40

    Bonjour. Pare-contre le thermo-collant quand ça se décolle, c’est une catastrophe.

  7. noroit 7 avril 2016 / 23:14

    Merci bcp pour ce tuto. Je n’avais jamais vu dans les patrons que la méthode de la couture en rectangle qui déforme le tissu aux bords de la poche.

  8. elodie brutsaert 9 avril 2016 / 10:30

    Bonjour et merci pour ces explications. Avant de faire une bêtise il faut bien entoiler les 2 pièces avant du gilet?

    • Julien Scavini 9 avril 2016 / 16:08

      Oui, avant de faire la pince. Soit on thermocolle tout (on peut thermocoller hors des valeurs de couture dans certains cas pour avoir de la finesse) soit on entoile avec une toile aérée de coton (bougran dans le métier). Toile qu’on pique dans la pince, dans les deux cas!

  9. Ivan 12 juin 2016 / 14:27

    Bonjour Julien, tout comme byanhor en date du 28 mars, qui n’a pas eu de réponse à sont commentaire, je serai très intéressé d’apprendre comment compenser le haut d’une pince avec du biais.
    Merci infiniment pour votre réponse

    • Julien Scavini 12 juin 2016 / 14:40

      Oui, alors en effet, bonne question.
      Pour qu’une pince soit bien plate, il est intéressant de couper un petit morceau de biais, disons 3cm x 10cm. On repasse sa pince en tissu et on la trace comme on veut. Au moment d’aller à la machine, on place ce biais dessous (de sorte qu’on le piquera au milieu dans la verticale), en le laissant dépasser de 3cm au dessus de la pince. On fait son point d’arrêt dans le biais, et on avance tranquillement en attaquant la pince doucement. Le biais se trouve donc pris dans la couture.

      Ensuite, quand c’est fini, on fend au ciseau la pince pour l’ouvrir au fer, sauf là où y’a le biais (qui correspond à la fin mourante de la pince). La pince passe de couture ouverte à couture couchée à ce niveau, par un petit coup de ciseau dans l’une des valeur de couture. Le biais est repassé et plié en deux et la pince est de l’autre côté. Le biais compense la pince que l’on ne peut pas fendre en deux.

      Compris? 🙂

  10. Michel 22 novembre 2016 / 15:04

    Bonjour,
    Les pinces devant et dos sont de quelle profondeur et de quelle hauteur ? Merci

    • Julien Scavini 22 novembre 2016 / 21:57

      Je dirais que vous pincez entre 1 et 2cm. La force de pince est faible. Pas la peine de retirer de la matière.
      La hauteur… ça dépend de la longueur du gilet. En proportion de mes dessins.

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