Récemment, deux clients m’ont apporté un éclairage amusant sur la façon d’appréhender la veste et son aisance. Le premier est un nouveau client. Comme à l’habitude, je fais essayer des bases pour pouvoir prendre mes mesures. Car en demi-mesure, le procédé est toujours le même. A partir d’une base 0, dans une taille X ou Y, je vais demander à l’atelier des altérations. Ainsi, sur la base essayée, mettons une veste taille 50, je vais pouvoir demander une épaule basse, un agrandissement de la carrure dos, un cintrage de la taille, un raccourcissement des manches, etc… L’atelier ne reçoit en effet aucune mesure absolue, mais des mesures relatives, limitées à des évolutions de certaines valeurs de la base.
Avec ce client, il a fallu essayer plusieurs bases, plusieurs tailles. Il n’était habitué qu’au prêt-à-porter. Faire un costume de cette manière, prendre le temps, dépenser un peu plus d’argent (900€ chez moi), cela l’obligeait à se questionner et à faire attention. Se faisant, il a découvert l’aisance. Pas celle en trop. Pas celle qui manque. Juste celle qui va bien.
Le second client est un habitué à qui j’ai déjà fait plusieurs costumes. Et à chaque nouvelle commande, l’idée est de revenir avec le vêtement précédent pour revoir les corrections et se demander ce qu’il est possible d’améliorer. Se faisant et pour la dernière commande, nous avons acté une légère augmentation du volume à l’épaule par rapport aux trois, quatre précédents opus.
A l’arrivée, le contraste avec le précédent costume, porté ce jour là, était criant, et le monsieur s’exclama ravi que c’était parfait. Cette légère aisance était une découverte heureuse. Et un bienfait. Sans pour autant faire un sac large, non non. Comparativement, ces autres costumes, pourtant tout à fait raisonnables et bons, lui paraissaient moins amples : « ah mais finalement, je suis serré« .
L’aisance ainsi, demande un apprentissage. Et c’est la capacité à itérer doucement chez le tailleur qui permet de tester cela. A la différence du prêt-à-porter, qui ne change que d’une taille à l’autre, ou drastiquement, d’une maison à l’autre. La fidélité ainsi à son tailleur et le meilleur gage, pour que dans le temps, il soit possible de goûter des manières de s’habiller différentes. Cela peut être l’aisance. Cela peut aussi être raccourcir ou allonger les vestes…
Belle semaine, Julien Scavini
Tellement importante est l’aisance. Je pense qu’elle constitue le critère de choix d’un vêtement avec la qualité, la matière et le prix. Hélas les vestes et chemises du prêt à porter sont souvent inadaptées aux grands hommes au « bras long », heureusement il y a le tailleur et il y a Scavini.
Cet article m’en rappelle un autre. Celui d’un certain Chouan des villes : http://lechouandesvilles.over-blog.com/article-eloge-de-l-ampleur-100557668.html
Que dire de cette affreuse mode masculine actuelle » le slim » qui ne respecte aucune aisance qui ne respecte que le « stretto » comme disent les Italiens.
Oui, l’aisance – j’apporte ma note féminine – et je peux dire que je regrette d’avoir investi dans un splendide cardigan-veste en jersey cachemire d’une vraie tenue Chanel d’un certain bleu bordé gris dans ma petite taille 36 dont j’étais fière, alors que maintenant je voudrais plus de souplesse en taille 38 ( mais il va bien, très bien quand même ).