Le climat américain est particulièrement étouffant l’été, une vraie différence par rapport à la vieille Europe où les saisons sont plus tempérées. C’est ainsi que plus vite et plus fort l’usage du coton se répandit outre-atlantique. Il est plus agréable que la laine ; plus doux, il piquotte moins la peau. Après tout, le port du jean est bien une trouvaille de l’Oncle Sam datant de 1850 environ.
Question coton, les anglais ont appris et ramené beaucoup des Indes. Dès le XIXème siècle, les tissus que l’on appelle en France des ‘indiennes’ fleurissent et la bonne société se les arrachent, comme le chintz. Après améliorations et industrialisations au Royaume-Uni, l’Empire de Victoria en a bien profité.
Parmi ces tissus, on trouve le crépon de coton, autrement appelé seersucker. Ce terme provient du perse « shir o shekar« , qui signifierait ‘de lait et de sucre’, probablement du à ses raies alternées lisses et rugueuses. Sur le métier à tisser, les raies colorées sont tendues pendant que sont insérés les fils blancs. Lors de la détente, la rayure gaufre alors. Cette caractéristique facilite la dissipation de chaleur et la circulation d’air. Côté pratique, le seersucker est presque infroissable et lavable en machine. Les raies sont souvent bleu ciel, parfois aussi marine ou rouge brique, vertes ou lavande.
Les Américains, avant le développement de la climatisation ont vite apprécié ce tissu, composant la tenue par excellence des gens du sud. Peu à peu les gentlemen du nord le portèrent, popularisé également par les étudiants de la Ivy League qui y voyaient à la fois une nouveauté pratique et une occasion de se démarquer des traditionnels costumes. Les journalistes politiques rendirent également honneur au seersucker, en commentant les débats à Washington, ville relativement chaude l’été. Il est toujours à noter qu’au mois de Juin, il est habituel pour les sénateurs américains de porter des costumes en seersucker, lors des bien nommé seersucker thursday.
Autre ‘indienne’ que les Américains développèrent, le madras. Là encore, ce sont les anglais qui en installant une zone franche vers le lieu dit Madraspatnam en Inde font émerger ce tissu. Il s’agit d’une mousseline de coton, rehaussée de grands et multiples carreaux. Le procédé basé sur des teintures végétales est ancestral. Le madras est un tissu léger et respirant, très adapté aux climats tropicaux humides. Les Anglais l’introduisent aux Caraïbes, et c’est là que durant la Grande Dépression, de riches américains en villégiature le découvrent. Par la suite, il devient de bon ton pour les étudiants des université de la Ivy League de montrer cette trouvaille, en pantalon, chemise, veste ou cravate! C’était un moyen de montrer là où ils avaient voyagé, un peu comme avoir du Abercrombie & Fitch à Paris lorsqu’on ne pouvait s’en procurer qu’aux USA. Avec ces looks en madras nait le style Preppy. Il est aussi courant de recourir à des patchwork de madras pour couper bermudas et autres vêtements. Une surabondance de motifs typiquement américaine, dans le goût de Ralph Lauren.
Finissons enfin avec une célèbre anecdote des années 40 à propos du madras : Brooks Brothers sentant là une affaire juteuse achète rapidement 10 000 yards d’étoffe, qui s’est révélée déteindre immédiatement au lavage. Une très mauvaise affaire! Elle tenta de poursuivre l’importateur de l’étoffe. Mais plutôt que de rembourser les clients, Brooks Brothers eu une autre idée : une étiquette « guaranteed to bleed » et une bonne campagne de publicité permirent de vendre tout le lot et même d’en faire une icône ‘lifestyle’. La chemise délavée était née. Ils ont du culot ces américains!
Bonne semaine, Julien Scavini
Les cotons américains… transgéniques et pleins de pesticides… Les jeans, pantalons d’abord pour travailleurs européens, délavés, rapiécés puis avec des trous… pour faire plus sales… jeans symboles de la fin (au milieu du XXe siècle) du sur-mesure pour tous et le prêt-à-porter généralisé. Quant aux indiennes, elles étaient largement répandues en France au XVIIIe siècle : Voir Oberkampf et le Musée de la toile de Jouy http://www.museedelatoiledejouy.fr/fr/accueil/ « La décadence c’est la folle ambiance ! »
Peut-on même remonter jusqu’au XVIIe ? Dans le Bourgeois-gentilhomme, Monsieur Jourdain porte une « indienne » réalisée par son maître tailleur. « Mon tailleur m’a dit que les gens de qualité étaient comme cela le matin. » (Acte I, scène 2)
Oui tout à fait ++
J’ajoute que la citation fait plaisir. Enfin de la culture sans franglais et garantie sans OGM et pesticides !!