Le livre ‘Rebel Style’ de G. Bruce Boyer

Raphaël nous fait le plaisir d’une fiche de lecture, d’un petit livre offert par un de nos clients à Noël. Une gentille attention qui méritait un retour argumenté! Un extrait vidéo pour commencer :

 

La caméra filme un homme de dos, assis sur une Triumph. Il se lève et entre dans un bar en sifflotant. Il porte un perfecto de cuir noir, avec une tête de mort dans le dos. Le blouson de cuir est court et dévoile complètement ses reins, moulés dans un jean. En se dirigeant vers le bar, il retire ses gants et les enfonce dans les poches arrière de son pantalon. Le regard du spectateur s’y dirige obligatoirement. Nous sommes en 1953 et Marlon Brando dans The Wilde One y incarne parfaitement un genre inédit d’idéal masculin.  Fini,  le temps des élégants, les Proust, les Buster Keaton, les Fred Astaire ! Ceux là ont fait rêver à la manière des romans de Balzac. Mais le XXème siècle est celui de l’image et du cinéma. Place aux rebelles, aux anti, à ceux qui sexualisent leur corps devant la caméra.

C’est tout le sujet du livre de Bruce Boyer. Les rebelles à l’écran.

Rebel Style échappe à deux écueils, le premier : une description pénible sur le mode entomologiste, le deuxième : parler de la philosophie de ces groupes de la contre-culture et occulter totalement le vêtement.

Au contraire, le livre est bien structuré. Court, il donne une définition des Rebelles suffisamment large pour que Steeve McQueen et Eminem s’y côtoient. C’est une histoire de l’Amérique. Bruce Boyer trace un fil d’Ariane entre la figure du cowboy et celle du rebelle façon Hollywood, tous deux solitaires et romantiques. Un bref contexte, puis, des descriptions et des analyses de vêtements – c’est assez rare dans ce genre de livre pour le souligner. Le style d’écriture de Bruce Boyer est excellent : ni pontifiant, ni superficiel.

L’auteur parvient à montrer combien le vêtement est un élément clef de lecture d’une attitude philosophique, au même titre que le langage, la peinture ou la littérature. Là est tout l’intérêt du livre. Le blouson en cuir de pilote de la Seconde Guerre mondiale porté par Montgomery Clift dans A Place in the Sun (1951) n’est pas un hasard, mais bien le symbole à l’écran de la Beat Generation désabusée,  restée en guerre contre le monde.

Enfin, c’est le sel du livre, Bruce Boyer analyse notre époque. Bien sur, le vêtement de la contre-culture marginale des années cinquante est devenu le vêtement de la norme. Être un rebelle anti-bourgeois est très difficile quand l’on porte un jean pré-déchiré-pré-délavé de designer. L’auteur parle de cosplay* de la classe ouvrière. Difficile de ne pas y voir une critique du prêt-à-porter de luxe  qui fait des vêtements d’ouvrier. Surtout que l’auteur est connaisseur !

Que manque-t-il à ce court livre ? Un deuxième volume, qui traiterait d’une figure que Bruce Boyer évoque brièvement : The Man in the Gray Flannel Suit. L’homme en costume de flanelle grise. Pourquoi ? Parce que le monde entier ne passe pas  universellement au jean en 1953. La mode et les habitudes vestimentaires évoluent lentement, souvent à rebours. Je rêve d’un livre qui décrirait les résistances à la mode… Une rébellion en costume-cravate.

 

Bonne semaine, Julien Scavini

PS : la semaine prochaine, point de blog, je serais à Vienne.

2 réflexions sur “Le livre ‘Rebel Style’ de G. Bruce Boyer

  1. Philippe Muller 27 janvier 2020 / 23:01

    Merci pour cette recension. Ajoutons que Bruce Boyer présente une qualité rare dans la littérature dévolue à la mode masculine : le sens de l’humour. Il disserte toujours tongue-in-cheek, sans prendre trop au sérieux son sujet si superficiel. En la matière, il a l’élégance de la légèreté… La mode ? C’est pas grave.

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