Avant l’invention du pantalon moderne avec sa braguette centrée, les pantalons s’ouvraient sur le devant par l’intermédiaire d’un pont. Le pont est un bas-volet boutonné sur le côté et qui s’abaisse vers le bas comme une trappe. Petit ou grand pont suivant les modes et les milieux. La braguette centrée est probablement ancienne et il est difficile de dire quand elle est apparue. Une chose est sûre, les plus vieux jeans (1870 environ) la présente déjà. Sur les pantalons habillés de ville, cette disposition un peu « cavalière » sous forme d’une simple braguette verticale, a mis plus de temps à arriver semble-t-il.
Avec la forme d’ouverture à pont, les pantalons arboraient une foule de boutons. Boutons du pont d’abord, boutons de la ceinture ensuite, boutons de bretelles, boutons des poches parfois enfin. Une sacrée débauche de petite mercerie comme l’illustre cette culotte datée entre 1780-1810.
La poche dos n’est pas encore apparue. Mais la poche côté est là, boutonnable dans son angle. Regardez bien le pantalon ci-dessus. Dans le coin. La poche apparait dans l’angle, comme une trappe triangulaire. Une charmante disposition qu’Arnys avait reprise il y a quelques années avec des poches en coin, boutonnées. Intéressant. Mais était-ce pratique ? Voyez mieux sur cet extrait d’une peinture française rapportée par Farid Chenoune (admirez cette petite poche gousset au passage) :
A partir des années 1910, le pantalon devient à peu près moderne. Le pont a définitivement disparu et avec lui cette armada de boutons. Mais le pantalon s’amuse encore un peu, chaque atelier y allant de son inventivité. Les poches sont traitées avec amusement. Et les rabats ne s’avouent pas vaincus. Découlant de formes vernaculaires et souvent rustiques, les rabats reprennent ce qui se fait en vénerie ou chez les militaires, avec des formes d’accolade plus ou moins marquées.
Sur cette gravure de 1922, deux pantalons sont présentés avec des rabats intéressants. Le premier avec ses rabats vers l’avant qui font très « poches carniers » est remarquable. Mais était-ce pratique ? Sur le second, c’est la poche gousset qui arbore une petite patte boutonnée idéale pour suspendre une chaine de montre. Charming.
Ces rabats boutonnés ont beaucoup d’attraits. Mais ne présentent pas beaucoup d’intérêt pratique. En plus, ils demandent du doigté à l’ouvrier culottier pour bien coudre les courbes des rabats. Et les ouvriers culottier étaient généralement connus pour être plutôt des tâcherons travaillant à la chaine. Des bourrins pas là pour finasser les détails. Si bien que ces rabats n’ont pas connu un vif attrait. Quelques pantalons militaires ici, quelques culottes d’équitation là.
Dans les années 70, un certain revival de l’ancien mêlé à une ultra modernité ramène les petits rabats de poche. Poches arrières et poches gousset se voient affublées de rabats. Ralph Lauren dès ses premières collections présente des poches à rabats, et encore de nos jours, sur certains chinos il en place.
Mais tout cela reste de l’ordre de l’artifice. Les rabats restent un détail. SuitSupply de temps à autre présente des modèles ainsi embellis. En mesure, l’engouement est très variable. Avec les costumes un peu typés qui s’éloignent des bleus et gris très urbains, les pantalons à poches rabattues apportent un supplément d’âme. Et sur les pantalons seuls, ce supplément de style est de bon aloi.
Qu’en dire de plus ? Les rabats de poche sont intéressants sur des pantalons typés campagne je trouve, souvenir de l’origine des rabats. J’hésite souvent à en proposer. Je trouve ceux de Ralph Lauren très beaux. J’ai dessiné mon bermuda ainsi, avec de jolies accolades. Mais est-ce intéressant d’en disposer sur des pantalons ? Je n’ai moi-même qu’un modèle ainsi, un chino. Et encore, ce n’est que la poche à gousset. C’est vrai que c’est très mignon.
Au dos d’un pantalon à poches cavalier, c’est très élégant aussi, à la manière ce pantalon d’Arnys. Un petit air de jean. Il y a un charme indéniable dans ces rabats.
Mais hélas, au fond, ils n’apportent rien de pratique. Aussi, je ne peux m’empêcher de les apprécier tout en m’interrogeant. Le beau est souvent gratuit me direz-vous !
Je vous souhaite une excellente semaine. Julien Scavini
Pas de commentaire juste pour vous dire merci pour ces détails et explications .
Je vous demande de nous parler un jour sur les revers ,et sur le pardessus.
Merci
Baya
Et merci en retour !
oui, le beau est souvent gratuit 🥂🥂🥂
Et oui !
Bonjour,
Qq peu violente l’appréciation sur les ouvriers culottiers « tâcherons,bourrins »…
Sans faire du politiquement correct of course.
Article intéressant.
Cordialement.
C’est vrai. Les culottiers étaient rarement avec les apiéceurs de vestes. Ils travaillaient souvent entre eux, souvent à domicile. Et « usinez » beaucoup pour gagner leur vie, le pantalon étant généralement mal payé. Donc il fallait aller vite !
Article très intéressant. Le pantalon est un élément du vestiaire masculin qui existe depuis plus longtemps qu’on pourrait le croire : depuis les braies des Gaulois en passant par les chausses, le haut de chausses et la culotte. Durant l’Antiquité, les braies sont surtout présentes dans les pays plus froids de l’Europe et chez certains métiers (paysans, ouvriers, etc.). Dans la première partie du Moyen-Âge, les chausses font partie de la panoplie de la « manière franque », puis deviennent de plus en plus stylisées à partir de la seconde partie du Moyen-Âge jusqu’au XVIIe siècle, avant d’être remplacées par la culotte. Cette dernière est elle-même remplacée par le pantalon, au XIXe siècle, avec la fin progressive de l’utilisation générale du cheval comme moyen de transport individuel. Aujourd’hui, le pantalon est surtout vu comme pratique, et il ne semble pas que l’on soit prêt de remettre à la mode la tunique et le manteau drapé 😉 Mais on ne sait jamais, car la culotte revient sur le devant de la scène avec la mode des vêtements de sport, comme avec le pantacourt et autres.
Et des bermudas !