L’une des principales difficultés lorsque l’on se rend chez le tailleur, en particulier la première fois, et d’appréhender le choix du tissu. Et oui, choisir le tissu de son costume sur un petit coupon de quelques centimètres n’est pas simple. Le choix se révèle un peu plus facile lorsque des costumes d’autres clients sont là, à côtés en train d’attendre leurs livraisons.
Le choix peut s’avérer aussi très difficile pour les novices en ce qui concerne par exemple la forme et la position des poches. Tous les détails représentent alors une difficulté.
L’inspiration ! Être inspiré ! La question du désir se cache dessous. De l’envie. Comment faire naître cette envie ? Par la connaissance. Le savoir permet de palier aux difficultés des premières commandes. Des blogs comme Parisian Gentleman, Milanese Selection, ou le mien aident. Les magazines le peuvent aussi, The Rake, GQ ou Monsieur. Surtout les publicités d’ailleurs. Je propose également aux novices peu sûr d’eux d’aller taper des mots clefs dans Google Image. Le défilement des propositions permet de se faire une idée plus précise.
Seulement, il faut prendre une décision. Une décision financière d’abord, qui à cause du coût peut parfois rebuter. Une décision de style ensuite. Et c’est peut-être là qu’est la plus grande difficulté. Car pour beaucoup, jeunes et moins jeunes, il est aisé que le choix vienne d’ailleurs. Je prends l’exemple des poches à rabat par exemple. Plusieurs fois, des clients n’en ont pas voulu, sous le même prétexte énoncé par l’un d’eux en particulier : « je ne suis pas sûr de les assumer ».
Je me suis longuement interrogé sur cette formule tranchante. Elle m’a laissé pantois mais n’a cessé de me travailler. Assumer ! A – ssu – mer ! Pourquoi ? Ces rabats ne sont pourtant que l’entrée d’un temple du classicisme. Tout l’inverse d’une invention délirante ! Est-ce l’expression d’une frilosité ?
Et puis je me suis dit, mais non. Ce n’est pas la faute du client qui n’arrive pas à choisir. C’est la mienne. Faute de n’être qu’un tailleur. C’est à dire un professionnel qui écoute et non dicte. Qui laisse le choix ! Erreur de ma part. Choix et libre pensée sont-ils tout à fait de ce monde ? Ou le monde est-il celui du préconçu voire du tout cuit, un monde vestimentaire où c’est le styliste- star fait l’œuvre.
Quand Paul Smith ou Agnes B inventent des dispositifs, des coutures spéciales, des formes bizarres, le questionnement change. Car s’ils le font, c’est bien. Mais attention ! La fantaisie se doit de rester discrète !
La boutonnière de revers colorée (voire deux boutonnières) sur une veste noire fade plutôt qu’une veste pimpante en tweed à carreaux colorés ?
Alors certes, chaque client n’est pas un styliste-star en herbe. Chaque client n’est pas obligé de se sentir créateur pour se faire confectionner une veste. Alors comment faire ? Précisément en revenant aux classiques, en les apprenant puis en les ré-interprétants. Bref, en s’éduquant.
S’éduquer à un sujet, c’est s’éloigner des stéréotypes, des poncifs, de la platitude, bref du vulgus, au sens latin : s’éloigner de l’Ordinaire. L’ordinaire, tout le contraire d’une visite au tailleur !
Bonne rentrée. Julien Scavini.
« S’éduquer à un sujet, c’est s’éloigner des stéréotypes, des poncifs, de la platitude, bref du vulgus, au sens latin : s’éloigner de l’Ordinaire. L’ordinaire, tout le contraire d’une visite au tailleur ! »
S’éloigner de l’ordinaire peut-être fatigant…
Je porte régulièrement une veste motif « prince de Galles » au travail. Je me fait traiter de dandy ou de lord anglais !
Bref, je reste sobre (voire ordinaire) et on ne me fais plus de remarques malvenues.
1) Il est difficile pour l’œil non averti de se rendre compte ou d’imaginer le rendu final avec tel ou tel tissu à partir d’un échantillon. C’est le même problème auquel chacun d’entre nous peut-être confronté lorsqu’il entreprend de peindre ou de tapisser une pièce de son logement. Du nuancier ou du catalogue à l’ouvrage terminé, seul le professionnel (ou l’amateur expérimenté) saura prévenir les résultats hasardeux voir désastreux.
2) Assumer ses choix (et le commentaire de NicK le montre bien) n’est pas aussi aisé qu’il n’y parait quelque soit l’âge. C’est une question de caractère et de contexte. Il est plus facile parfois d’assumer quand c’est dans l’air du temps (pour ne pas dire à la mode) que se cantonner au domaine classique (un beau Prince de Galles, mon rêve).
3) C’est grâce à des blogs tels que celui que vous tenez, Monsieur Scavini, que vous permettez à des gens comme moi, de parfaire leur connaissance de l’élégance masculine et d’être capable un jour peut-être de sortir de l’ordinaire.
Messieurs, vous avez absolument raison ! D’ailleurs, mon article est une tentative maladroite sur le sujet. A vrai dire, vous le savez à travers le blog, je n’aime pas les choses extraordinaires. Les looks PittiUomo, très peu pour moi !
En revanche, faire un costume très classique, MAIS CHEZ LE TAILLEUR, voilà qui sort de l’ordinaire. Le classicisme ou le carcan social peut être bravé de manière ordinaire par des moyens Extraordinaire, une façon d’être !
Merci beaucoup pour cet article, je m’y suis retrouvée : comment conseiller un client, à quel point l’orienter et quel part de mes propres goûts doit s’immiscer dans mon discours ?
J’ai tendance à privilégier le retrait, et pousser comme vous le client à découvrir ce dont il a envie par des questions et des visionnages d’image. Une fois le goût ciblé, l’expertise technique peut se déployer plus objectivement.
En plus de la confection artisanale, l’ajout d’un tout petit détail comme vous le mentionnez peut suffire à donner au client une impression d’originalité, voire de bravoure, et à donner à l’artisan la joie de concevoir un objet avec une petite touche drôle, originale, personnelle…
En bref, je vous rejoins ^^ et cela m’a donné envie de poster un merci général pour ce blog que je lis avec délectation.
C’est l’idée que j’ai depuis quelques temps déjà. Et qui figure d’ailleurs dans le dernier billet du Chouan : S’habiller aujourd’hui de manière classique, suffit pour sortir de l’ordinaire.
D’ailleurs, cher Monsieur Scavini, à très bientôt pour de nouvelles aventures EXTRAordinaires 😉
Thomas B
Vous voici croqué!
http://croquissartoriaux.tumblr.com/image/96472054398
Magnifaïk ! (je suis taquin sur ce coup là)
Pour revenir au sujet, j’assume ce que je porte, j’aime plutôt le classique (pas voyant, pas italien, ni trop anglais)(compliqué moi ? 😀 )
Mais quand les « collègues » mal fagotés (voire clochardisés) te traitent de pingouin ou bien t’appellent môssieur le Directeur ou pire, disent que tu as des goûts de vieux…
C’est biiiiip ! (la bienséance m’empêche te continuer)
Cela ne m’empêchera pas de porter ma veste « prince de Galles » ou un costume/veste classique [de chez monsieur Scavini ou en PàP, mon budget n’est pas extensible à l’infini] et de continuer à approfondir mon éducation sartoriale.
A bientôt.
NicK.
NicK, je ne connais que trop ce genre de remarques. Avec le temps, elles s’estompent un peu. Quand à la remarque sur le ni-anglais ni italien, ça me rappelle la phrase de M. Scavini que j’ai relue dans son livre hier soir :
En France, nous sommes des gaulois latinisés envahis par des germano-saxons. Donc, nous pouvons choisir la méthode italienne ou la version anglaise, les deux seules variantes élégantes à mon avis.
https://stiff-collar.com/2011/09/13/les-mains-dans-les-poches/
Triste réalité Nick…
Je suis Responsable technique dans une administration, et dans ce monde de gros lourdaux mes costumes sur mesure dérangent. Même mes vestes sport sur pantalon où sur un jean’s entrainent des remarques!
Le profane raille ce qu’il ne peut comprendre. Laissons l’idiotie aux idiots.
« Assumer » son vêtement… Je me reconnais dans ces propos tenus par certains de vos clients.
Si l’on a pas été habitué très jeune à porter le costume, on peut vite avoir l’impression de revêtir un déguisement, ou pire, un vêtement qui nous est interdit, comme une soutane ou un uniforme de policier. De plus, peu habitué au tombé d’une veste, on peut facilement être saisi de gesticulations sarkozyesques » : rouler des épaules, attraper ses revers, se tordre le cou, bref, toute la gestuelle indiquant la gêne du port d’un vêtement.
Je voudrais ressembler à Sean Connery ou Cary Grant, mais j’ai plutôt l’impression de ressembler à un manager de caisse chez Auchan lorsque je veux avoir l’air décontracté ou à un témoin de mariage égaré lorsque je veux avoir l’air plutôt classique. Misère !
Et ce problème, je pense qu’il peut être résolu en partie par la pédagogie d’un tailleur, ou, à défaut, d’un vendeur (un bon, pas un qui vendrait sa mère). Je n’emploie pas le terme « pédagogie », à la légère. Si nous portons peu, et souvent mal le costume, ce n’est pas qu’une question de finances. C’est bien souvent que nous n’avons aucune éducation en la matière. A ce titre, je ne m’offusquerais pas de ce qu’un bon tailleur ou un vendeur en qui j’ai confiance me fasse la leçon, au contraire.
Merci pour votre site.