Remonter son bénard

Les messieurs qui ont un petit rond de ventre sont souvent très interrogatifs envers le tailleur. Va-t-il les sauver ? Que peut faire le tailleur pour aider ? Deux solutions existent. La première consiste à faire descendre le pantalon sous l’estomac, donc à s’approcher d’un taille basse. Le mot est presque grossier et n’a pas souvent un bon écho.

A l’inverse, la solution est de ne rien faire du tout, de tailler le pantalon à la hauteur normale. Sur le ventre. Ah oui, mais alors, le pantalon tombe et surtout il a une cuisse large. Le pantalon est taillé comme un entonnoir, mais il est difficile de faire autrement à vrai dire et d’être très généreux au ventre et aux fessiers puis très mince à la cuisse.

Si l’homme accepte parfois cette cuisse généreuse, ce n’est pas toujours le cas de madame qui aimerait un peu de modernité. Ou de jeunesse. Reste la question de cette hauteur. Le pantalon, « il tombe tout le temps » j’entends dire. Alors il y a les bretelles, mais là aussi, rares sont les aficionados.

Et bien alors, il faut remettre le bénard en place ! Vulgairement. C’est-à-dire, sans cesse le remonter. Cela devient d’ailleurs avec le temps une sorte de réflexe conditionné, et presque une attitude en fait. En se relevant d’un fauteuil, remonter le pantalon. Après quelques pas, remonter le pantalon. Bref, faire en sorte que le pantalon retrouve sa position optimum et qu’il ait l’air beau. Presque une habitude de vieux lascars pour reprendre cet argot de titi parisien.

Je suis un grand fan de la série les « Soprano » et je prête beaucoup d’attention à Tony Soprano, en photo ci-dessus, un homme plutôt corpulent. Il porte probablement des coupes italiennes, genre Cerruti ou Armani des années 90. Des coupes généreuses, à trois pinces d’ailleurs là. Et cela m’a amusé de constater, qu’en permanence, il passe ses pouces sous la ceinture pour remettre le pantalon en place. Comme un réflexe conditionné, pour avoir l’air propre sur lui et un pantalon digne de ce nom.

Et de fait, la ligne est impeccable. Sans bretelles. Le pantalon il tombe bien, ceci probablement grâce à une coupe très étudiée appelée « big & tall » aux USA. Ça c’est du falzar de compétition pourrait-on rajouter.

Évidemment, la facilité habituelle, c’est de placer le pantalon en haut des hanches, un peu taille basse comme on l’a dit, mais cela fait ressortir le ventre encore plus. Avec un pantalon qui enveloppe bien comme ici, il faut faire un effort, celui de remonter la ceinture.

Cela dit quoi tout simplement ? Que l’élégance est un travail de chaque instant et qu’elle n’est pas une facilité. Le corps oblige.

Belle et bonne semaine, Julien Scavini

Au dos d’un pantalon, petites découpes spécifiques

Petit sujet ce soir pour répondre à la demande d’un lecteur concernant les petites découpes présentes au dos d’un pantalon. Les avez-vous déjà remarqués? Juste au dessus de la poche arrière, il y a une petite découpe qui remonte vers la ceinture. Il s’agit d’une pince réalisée dans le tissu :

Elle permet de diminuer le volume du pantalon, qui est obligatoirement plus large au bassin qu’à la taille. Normalement, la plupart des pantalons disposent d’une petite pince au dessus de chaque poche. Elles aident à gérer le volume du fessier et à faire en sorte que le pantalon « emboite » le porteur, comme on dit. Sur ce vieux patronage, remarquez l’encoche profonde en haut du panneau du dos, en forme de coin, dont la « soudure » permet de serrer la taille :

Il existe quelques coupes qui présentent deux pinces sur chaque dos. Soit quatre pour un pantalon. Ce faisant, le volume au fessier est plus important et le modèle plus confortable. Les modélistes se méfient toutefois généralement de donner trop de bassin. Ces petites pinces, lorsque doublées, donnent beaucoup de volume ce qui peut aussi nuire à l’allure générale. C’est un choix.

Généralement ces petites pinces finissent précisément dans les passepoils de la poche comme on peut le voir sur les photos précédentes. La pointe est prise dans la couture de cette poche. C’est fait exprès. Car la tête de la pince, cousue à la machine, peut avoir le défaut de se défaire avec le temps, et la pince se délite. Au moins, lorsque la poche tombe pile à cet endroit, la pince ne se défera pas.

Et encore. Il m’est arrivé de voir des pantalons portés si serrés que même ces petites pinces avaient éclatées.

Au devant en revanche, jamais de petites pinces cousues ainsi. Jamais. Des plis pincés, qui se développent et apportent de l’aisance et du style oui. Mais pas de petites pinces cousues, sauf sur quelques modèles féminins par choix du styliste.

Le jean lui a opté pour une coupe radicalement différente. Le jean est un vêtement robuste, de travail, qui ne peut se permettre de tels raffinements. Comme je l’ai dit, ces petites pinces peuvent se défaire. De surcroit, à la fabrication, elles prennent un peu de temps pour être bien cousues. Pour le jean donc, les tailleurs de l’époque ont décidé de supprimer ces petites découpes et de mettre à la place un gros panneau, coupé en forme, c’est à dire galbant le vêtement lorsque cousu. La couture n’est pas une petite encoche verticale en forme de coin, mais une grande balafre horizontale, comme ci-dessous :

Voilà donc pour ce petit sujet. Belle et bonne semaine, Julien Scavini

Le pantalon grande-mesure, un poème

Depuis quelques années que je collabore avec un tailleur pour la réalisation de costumes en grande mesure, je me félicite de constater le plaisir qu’ont les clients lors de l’essayage, en particulier, du pantalon. Le pantalon en grande-mesure, un plaisir à nul autre pareil.

Certes la veste est une œuvre d’art complexe qui demande beaucoup de travail et d’ajustements. Mais le pantalon, cette pièce si souvent vue comme inférieure, ne démérite pas. La veste, comme pièce de résistance est la plupart du temps attendue au tournant. Les clients attendent de voir l’épaule, le volume de la manche, la longueur du corps, la largeur du revers, le bon positionnement du bouton. Autant de détails qui ont été pensé et dont l’assemblage global donne le ton, l’esthétique et le plaisir du costume terminé.

Le pantalon lui, il est essayé en premier, comme ça, presque comme une formalité. Et une impatience apparait, alors que les ajustements sont faits ça et là pour caler la culotte, le rond de hanche ou la longueur.

Et puis, l’humeur se détend et le pantalon est observé. Le temps passe et le pantalon devient, en amont de l’essayage de la veste, un objet à regarder. Il devient un sujet. Le client s’assoit, teste son confort.

Souvent, pour ne pas dire invariablement, une sorte d’aise apparait, un sourire. Finalement ce pantalon qui n’était pas un gros sujet d’attente devient… une surprise. Celle d’une coupe élégante et précise, qui en même temps donne un grand confort.

Je ne compte plus les clients qui en fait, m’ont félicité (même si je n’y suis pour rien ne réalisant pas les grandes-mesures moi-même) pour le pantalon. Parfois certains recommandent quelques autres modèles, en coton ou en flanelle.

A quoi est-ce dû ? Il y a la coupe pour une part, je ne puis le nier. La coupe d’un pantalon se joue presque entièrement sur deux coutures, celle de l’intérieur de la cuisse se poursuivant depuis la fourche vers le milieu dos. De la conjonction de ces deux lignes nait le pantalon, un « siège » où résident le confort et le séant de Monsieur. Et ces deux lignes ne sont pas facile à caler, j’en sais quelque chose en petite-mesure. On fait « au mieux ». Mais en grande mesure, l’ajustement est évidemment plus simple, plus efficace, plus direct.

Je ne peux nier donc une part de la coupe. Mais ce n’est qu’une part je pense. Et pas tout à fait majoritaire. Car pour moi, tout le secret d’un bon pantalon en grande-mesure est dans le montage des intérieurs, les hausses et sacs de poches, en percaline (un coton fin) la plupart du temps. Et dans l’entoilage de la ceinture, à la toile de lin, à la fois souple et rigide. « All natural ».

Tout cela est monté à la main. Une spécificité de la grande-mesure parisienne ou italienne, où tout est fait main. Peu ou pas de machine à coudre. Mais des doublures appliquées à la main, où l’on voit l’enchainement des petits points de rabattement. Ces intérieurs si particuliers sont tels que le commun des mortels le trouve passable, mal exécuté voire grossier. C’est si différent des intérieurs normalisés et cousus machine que l’on connait. Lorsque j’ai donné des cours de couture (enregistrés par Artesane), j’ai vu l’étonnement de couturiers(ères), dont l’apothéose logique était de réaliser les intérieurs les plus impeccables possibles, orthogonaux et parfaitement bien cousus à la machine. D’une netteté d’usine. A l’inverse de la couture main qui fait irrégulier, curieux et ancien.

Mais tout est là. Et pourtant, tout est là ! Tout en souplesse. Un poème d’harmonie et de douceur contre le corps. Il vaut l’avoir essayé pour le croire. De cette pure simplicité de rabattements curieux et ancestraux, presque de rustines et de patch parfois, nait un confort inénarrable. Hélas, tout le monde ne peut l’essayer vu le coût. (Sauf à trouver quelques modèles en seconde main.) Il faut alors me croire, sur parole !

Bonne semaine, Julien Scavini

Ventrales ou classiques ?

Au cours de la conversation visant à définir les contours d’un manteau sur-mesure, ou même dans la réflexion d’un styliste concevant du prêt-à-porter, la question des poches vient forcément. Un manteau classique de ville, un pardessus, qu’il soit droit ou croisé, présente généralement une poche de poitrine et deux poches un peu plus bas, au dessus des hanches, à l’instar de n’importe quelle veste.

Traditionnellement, ces poches présentent des rabats, insérés entre des paires de passepoils. C’est ainsi que le manteau se conçoit dans son absolu classicisme. Un rabat de chaque côté. Parfois une poche ticket pour faire plus anglais. Souvent ces rabats sont disposés horizontalement, parfois un peu en biais, là encore pour faire plus anglais. Pour donner un côté un peu plus sport au manteau, il est aussi possible de disposer le rabat par-dessus une poche plaquée, dans une configuration souvent appelée « boite-à-lettre », typique du polo-coat par exemple.

Traditionnellement aussi, l’imper de forme plus trapézoïdale, que l’on appelle aussi un « mac », avec son col « chevalière » entourant le cou et ses manches parfois raglan, présente lui aucune poche en poitrine, jamais, et des poches pour les mains disposées de biais, facilement accessibles. Ces poches, on les appelle poches ventrales ou poches costales, c’est selon. Elles sont idéales pour accueillir les mains au chaud.

Normalement, un manteau de ville présente des poches à rabat, qui ne sont pas faites pour mettre les mains dedans, ou alors avec l’allure décontracté du prince Charles ci-dessous qui sait que les (bons) vêtements sont faits pour être usés. Et normalement aussi, l’imper (autrement appelé gabardine, balmacaan, mac, mackintosh, raglan, etc), développe son élégance en ayant recours lui à de belles et accueillantes poches.

D’un côté donc une allure travaillée non pour l’immédiat confort mais une certaine allure, statutaire, & de l’autre une allure plus souple qui découle d’une recherche de confort immédiat. Vous me suivez ?

Seulement, depuis de nombreuses années, les manteaux de ville aussi sont passés à la poche ventrale, qui est même possible en mesure. Ce qui donne alors le choix au client. Et aux stylistes. De fait, on a vu déferlé des manteaux de ville, en laine épaisse, avec des poches ventrales. L’inverse n’étant pas vrai. L’allure d’un manteau classique et de ville, la décontraction de l’imper. Et un grand plaisir pour les mains comme le montre le Prince Philip un peu plus haut.

Et une défaite pour les gants. Car le manteau de ville avec ses poches à rabats ne permettant pas aux mains de trouver un refuge chaleureux le long des côtes, doit s’adjoindre les services de gants. Qui se font rares aux mains des hommes. Aux célébrations glaciales du 11 novembre en 2018, les chefs d’Etats sous l’Arc-de-Triomphe se les gelaient littéralement. Je me souviens que seul le Président Américain avait des gants. Le gant a perdu la bataille. Les poches ventrales ont gagné.

Mais est-ce élégant ? On me pose souvent la question au moment de choisir ce détail de style sur un pardessus classique. Moi je préfère un manteau de ville avec des poches à rabats. C’est plus comme ça que je l’aime. Mais je reconnais volontiers que pouvoir disposer ses mains dans des poches costales est très agréable. Je laisse le choix et ne tranche pas. Ce qui met alors les clients dans de beaux draps. Que choisir ?

L’élégance classique et racée des poches à rabats ? Ou celle plus instinctivement agréable des poches ventrales ? Telle est la question. Avez-vous une réponse ?

Belle semaine, Julien Scavini

La capuche est-elle élégante ?

La grande majorité des doudounes et autres parkas vendues dans le commerce possèdent une capuche. Regardez dans la rue, autour de vous, combien d’épaules ensevelies ou de têtes recouvertes ? Même d’ailleurs des manteaux un peu classiques l’intègrent, avec plus ou moins de bonheur suivant les stylistes. Elle est partout !

Ce petit accessoire vestimentaire revient de loin. C’est peut-être l’un des plus vieux qu’il soit possible de trouver du reste, en particulier sous nos cieux européens souvent capricieux. Le capuchon – c’est ainsi qu’il serait plus élégant de la nommer – protège du froid et couvre de la pluie. Relié au vêtement, on n’est sûr de pas l’oublier et de le perdre. Le capuchon est là, qu’on ait besoin de lui ou pas. Même amovible, en réalité, il reste bien souvent attaché. Praticité ultime que le capuchon.

L’élégance au XXème siècle n’était pas particulièrement encline toutefois à mettre en avant la capuche. Difficile de trouver celle-ci sur des dessins de Lawrence Fellows. Elle ne colle pas bien avec le répertoire tailleur. La capuche n’est pas considérée du tout, c’est un fait. Et d’ailleurs, à bien y regarder, elle n’est pas mieux considérée aux siècles précédents, y compris avant la Révolution. La capuche sous l’Ancien Régime est réservée aux vêtements religieux, et à quelques vêtements de petite extraction, du répertoire paysan. Certes, la cape à pèlerine et capuche avait quelques faveurs chez les dames de la haute société, façon retour de la bergerie. Une image un peu à la Watteau. Mais pour l’essentiel, la capuche déclasse plutôt.

Les gens riches eux, se couvrent la tête d’un chapeau. Toque ou chapeau de fourrure et bérets divers à la Renaissance, tricorne et bicorne plus tard, puis chapeau haut-de-forme, melon, Feroda, Trilby et que sais-je encore au XXème siècle. Au chapeau, il faut penser ! A la capuche, on oublie.

En un mot comme en cent, finalement, la capuche est l’inverse d’un luxe. Et depuis longtemps. Avoir de l’argent, c’est recourir à un objet spécifique pour se couvrir la tête. Un couvre-chef. C’est pourquoi aucun tailleur n’eut l’idée de rapporter cet accessoire au XIXème puis XXème siècle. Les beaux pardessus ne se soucient guère de ce lambeau de tissu pendouillant dans le dos.

Jusqu’au dufflecoat peut-être… Vêtement rustique (on y revient ! ) des marins de la Manche, il trouva pendant la seconde guerre mondiale quelques militaires valeureux pour l’adopter. Un manteau à capuche intégrée. Quelle trouvaille unique et rare. Plus besoin de casque, de calot ou de chapeau. S’il pleut, on rabat le tissu sur la tête. Il mit un peu de temps à trouver son chemin vers la penderie masculine dans les années 50. Mais une fois implantée, il ne cessa pas, jusqu’à nos jours, de séduire, génération après génération, avec un charme toujours renouvelé.

Et puis les k-ways, doudounes, parkas et autres nouvelles formes, souvent synthétiques, arrivèrent fin 70. Dans les années 80, la capuche était revenue. Fermement. Décennies qui ont vu l’extinction définitive du chapeau. Symétrie notable.

De nos jours, même les parkas de belles marques, comme Loro Piana, Corneliani et autres, intègrent des capuches. Avec un petit alibi, celui d’être amovibles. Même parfois des formes de manteaux classiques, ou de vestes légères, font la part belle aux capuches.

Est-ce à dire que nous avons régressé culturellement ? Que ce retour de praticité exacerbée signe une esthétique moyenâgeuse ? Que la capuche, c’est le mal, un symbole du malin à l’œuvre ? Je vais un peu loin dans l’analyse, avec amusement, rassurez-vous.

J’ai bien conscience que pour les défenseurs d’une esthétique tailleur, pour les gardiens de l’orthodoxie de Savile Row, qui sont ici chez eux d’ailleurs, la capuche n’est pas bien considérée. Elle ne fait pas partie du paysage pour deux sous. Elle n’est rien. Qui imagine un polo-coat, un ulster ou un balmacaan avec une capuche ?

A titre personnel, mon cœur balance. C’est un débat profond, et donc totalement inutile qui se joue au fond de moi sur le sujet. Je dois confesser posséder bien sûr une doudoune et une parka, car je suis à scooter. Et oui elles ont une capuche. Et oui, dès qu’il pleut, je ne peux m’empêcher de la rabattre pour me couvrir. Toutefois, je préfère le parapluie, n’aimant pas du tout être enfermé sous du tissu. J’analyse cette peur de l’enfermement comme une peur du danger. Avec une capuche, on entend moins les sons, on ne voit pas sur les côtés. N’étant plus toujours rassuré sur les trottoirs de Paris, je préfère garder la nuque libre et en mouvement. Et puis les capuches que j’ai ne sont, il me semble, pas bien patronnées, pas assez amples.

Je reconnais donc la supériorité d’un bon parapluie. A défaut de porter le chapeau. Mais j’aime bien cette capuche, elle m’amuse par son histoire, son authenticité et sa simplicité d’être. Fait-elle enfantin comme le disait Le Chouan Des Villes ? Peut-être. De toute façon, débat ou pas, le fait est qu’elle est là. Et pour un moment. De votre côté, qu’en pensez-vous ?

Belle et bonne semaine. A bientôt. Julien Scavini

L’entoilage des manteaux

Comme le faisait remarquer un lecteur récemment, est-ce que les manteaux sont entoilés ? Et si oui, pourquoi ? Car au fond, il se porte sur une veste qui, d’une certaine manière, réagit un peu comme l’entoilage du dit manteau. Autant de question pertinente auxquelles je vais essayer de répondre.

Tout d’abord, oui, il est aussi logique d’entoiler une veste qu’un manteau. Les deux sont construits de la même manière, avec les mêmes découpes, les mêmes morceaux de tissu. Il faut donner du corps à ces pièces en les soutenant, en les structurant. C’est à cela que sert l’entoilage. Pour éviter que le tissu ne drape et se balade. Historiquement donc, on entoile les manteaux de la même manière que les vestes. Un manteau des années 1950, large et opulent, ne pouvait pas se passer de renfort interne. Son épaule en dépendait !

Corollaire direct, lorsque le thermocollage s’est développé dans les années 1960, et à sa suite son dérivé direct et plus raffiné appelé semi-entoilage (ou semi-traditionnel), les fabricants y ont recouru. Pour la même raison que la fabrication d’une veste : rapidité, gain de temps et de main d’œuvre, donc coût abaissé. Idéal d’autant que les lainages à manteaux valent un certain prix, et qu’il en faut un bon métrage, mais que pour autant il est difficile de proposer un prix de vente trop élevé pour une pièce d’usage moins fréquent.

Et puis l’enjeu est, il faut bien l’avouer, moins grave. Autant une veste entoilée intégralement est plus agréable à porter au quotidien (rappelons pour sa souplesse, son naturel et sa respirabilité), autant un manteau l’impose moins. Pour trois raisons : 1- le tissu d’un manteau est lourd et se tient bien de lui-même. Et si le thermocollant se décolle un peu, cela ne se verra absolument pas. 2- on ne le met que quelques minutes par jour, rarement quelques heures. Il n’y a pas donc une franche mise en tension des structures internes. 3- on ne le porte que de manière très saisonnière. Autant de raison qui peuvent éventuellement inciter à jeter l’éponge du traditionalisme sur ce point.

Toutefois, il convient bien de préciser qu’un manteau entoilé est plus souple et plus confortable. Et plus raffiné. Et que bien évidemment, le meilleur est toujours préférable au moins bon ! De plus, peut-être que la couche de laine constituant l’entoilage intégral apporte un peu de chaleur en plus. C’est de la laine après tout !

J’ai plaisir à fabriquer des manteaux raglan avec mon atelier italien. Et dans cet atelier très artisanal, même le manteau raglan est entoilé intégralement. A l’ancienne. Là où 99.9% des raglans du commerce ont reçu un thermocollage voir rien du tout.

C’est vrai que c’est un peu baroque de se dire qu’un manteau est entoilé, et que la veste aussi. Mais c’est comme ça. L’entoilage, c’est la structure même du vêtement, indépendamment de l’autre vêtement. En revanche, il est vrai que les épaulettes du manteau (le fameux padding) sont très minces. C’est l’épaulette de la veste qui prime.

Corollaire immédiat : le manteau étant dépourvu de fortes épaulettes, lorsqu’on le porte sans veste, ses épaules ont l’air de s’effondrer. C’est tout à fait logique.

C’est pourquoi maintenant, beaucoup de manteaux sont conçus pour être portés très près du corps, à même un pull. Pour ne pas avoir l’air affaissés sans veste. Désagrément incontournable : un tel manteau est très serré avec une veste en dessous.

Plus le temps passe, plus les stylistes, modélistes et industriels ont tendance à épurer le manteau et à lui retirer l’entoilage (qu’il soit traditionnel ou semi-traditionnel). D’autant plus si le tissu est une de ces nouveautés techniques comme le « storm-system » de Loro Piana, une belle étoffe à membrane polyuréthane, coupe vente et imperméable, tout en étant respirante. Puisque le tissu est déjà lui-même enduit (d’une sorte de renfort), quel besoin d’en rajouter encore.

Enfin, les progrès très important fait par le modélisme (= l’art du patronage) notamment italien, permettent maintenant d’aboutir à des coupes qui se tiennent très bien sans entoilage. Avec un bon maintien de l’épaule et un aplomb du vêtement heureux. Maintenant, on y arrive beaucoup, d’autant plus que les modèles sont non doublés parfois, et ne permettent pas de camoufler de l’entoilage. Tout alors, repose sur l’art et la précision de la coupe. Et d’ailleurs, la plupart du temps, ce n’est pas la veste qui est prise en compte pour donner du maintien au manteau, c’est le corps lui-même, tout simplement. La veste étant en voie de disparition à l’échelle globale, elle n’est pas prise en compte comme jalon essentiel du travail de développement !

Belle et bonne semaine, sortez couvert, il fait bien moche ! Julien Scavini

Quelle veste avec un pantalon à motif?

Un client venait de commissionner un élégant pantalon en tweed, présentant un chevron marqué opposant deux tons de marron. Une fois la commande terminée, il me demanda, éventuellement tenté, s’il était possible de faire une veste pour accompagner ce pantalon. Une veste dépareillée. Ayant proposé ce tissu dans la seule optique d’un pantalon indépendant, je ne m’attendais pas à la question, et rapidement j’ai répondu qu’hélas, avec un bas un peu typé, il m’était difficile de proposer quelque chose de potable pour le haut. Nous avons cherché quelques minutes un tissu de veste intéressant, mais sans réelle conviction. Il était complexe de trouver quelque chose à mettre sur ce pantalon.

Une idée, basée sur un a priori, que je ré-itère maintenant. Après réflexion, je ne vois pas beaucoup de cas possibles. Lorsque le pantalon présente un motif marqué, comme des chevrons ou des carreaux, la force expressive du bas l’emporte sur le dessus. Et la veste, qui est normalement le plat de résistance d’une mise, parait alors bien palote. Le coup est manqué du point de vue stylistique je trouve.

Un rare cas de figure s’oppose à cette idée, le pantalon en tartan. Seulement et seulement s’il est associé à un blazer, veste dont la force repose sur la simplicité du bleu, ou à un veste de smoking, là encore simplement expressive pour ce qu’elle est. Alors, le pantalon à motif fonctionne bien, car une sorte d’équilibre se crée entre les forces respectives du haut et du bas. Cela dit, ce sont des pantalons très luxueux, car ils ne sont pas très souvent portés, avec des accords possibles très minces.

En dehors de ce cas de figure, j’ai du mal à trouver des accords pertinents entre un haut et un bas à motif. C’est une sorte d’axiome, difficile démontrable, mais qui finit par être un fait. Moi qui aime bien les pantalons marqués, je dois confesser que je ne les envisage qu’avec un haut très simple, s’arrêtant préférentiellement à la taille, donc de petite dimension (moins présent esthétiquement qu’une veste) comme un pull bien sûr, ou un blouson chic. J’avais écrit là-dessus dans le passé. C’est pourquoi dans mes lignes de pantalons, je ne m’aventure plus beaucoup à dessiner des modèles à carreaux, qui posent souvent problèmes aux acheteurs, là où les unis et micro-motifs sont mieux accueillis.

A titre d’amusement, j’ai feuilleté un peu mes archives Apparel Arts pour trouver, peut-être?, quelques idées avec des pantalons à motifs. Force est de constater que la moisson fut mince. Voyez plutôt. Première image, les golfeurs. Super ce pantalon à gauche, comme celui de mon client précédemment évoqué. Mais porté avec un blouson, court et discret dans ses couleurs, donnant la primeur de l’allure au pantalon. Le caddy semble porté un gris à carreaux rouges de son côté, mais a-t-il une veste sous son manteau?

Autre exemple avec cet adolescent golfeur, dont le beau pantalon à chevrons gris n’est pas coupé dans son élan stylistique par une encombrante veste. Le polo, coloré certes, s’arrête à la taille.

Plus intéressant ci-dessous. Une veste « charcoal » avec un pantalon en gun-tweed. Ca, ça marche très bien, il faut reconnaitre, et c’est une bonne manière d’utiliser ce tissu par ailleurs très marqué pour une veste. Dans le dessin, l’association marche très bien, car le gun-tweed fait la part belle au noir, qui raccorde avec la veste. Voilà une excellente contre-offre à mon axiome.

Autre proposition de Laurence Fellows (1885 – 1964), avec un chevron gris et un veste marqué dans les bruns. Je suis peu enthousiaste.

Dernière image enfin avec cette tenue de chasseur très inspirante. La veste présente un fort impact visuel avec des grandes poches à soufflets et son parement d’épaule en cuir, et son absence de revers. Un équilibre se crée avec le pantalon, qui semble être un vichy, mais que les anglais appellent « shepherds checks », de couleurs crême et marron. Très intéressant aussi.

Deux exemples donc chez Laurence Fellows peuvent au moins démontrer que mon axiome ne tient pas totalement. Le pantalon expressif peut s’accommoder très dignement d’une veste. Toutefois, ce sont des accords mesurés et il est difficile de croire que ces pantalons sont d’un usage commode et varié. Au fond, comme disait encore Cioran, « N’a de convictions que celui qui n’a rien approfondi .»

Élégante semaine ! Julien Scavini. Pas de blog lundi prochain, je serais chez Hugo Jacomet pour de nouvelles aventures 😉

Le pantalon à pont

Si les joggings et autres pantalons élastiques peuvent s’enfiler et s’ajuster avec souplesse et simplicité, la plupart des pantalons ont besoin d’une large ouverture séparant la ceinture en deux, pour s’évaser et passer le bassin. Sinon on ne pourrait tout simplement pas les positionner jusqu’aux hanches. De nos jours, c’est la braguette, zippée ou boutonnée, qui permet d’agrandir momentanément la circonférence du pantalon, permettant à celui-ci d’emboiter convenablement le bassin. La braguette est la plupart du temps centrée sur le devant et dissimulée par un assemblage de tissu appelé le pont et le sous-pont. Il semble d’après des peintures et gravures que la braguette centrée soit apparue sous Napoléon III, à l’époque précisément de la démocratisation du pantalon. Comme le prouve cette photo datée de 1860 de l’Empereur :

Ce dispositif a priori si simple et pratique n’est pourtant pas très ancien. Certains plus anciens pantalons et les culottes surtout, vêtement phare de l’Ancien Régime recouraient à un tout autre mécanisme. Si la ceinture se séparait également en deux par le milieu, l’ouverture n’effectuait grâce à un immense volet, boutonné en haut, sur la ceinture, et retombant vers le bas. Pour retirer son pantalon, ou bien satisfaire un besoin naturel, il fallait déboutonner au niveau de la ceinture le volet, et le laisser retomber. Ainsi que vous pouvez le découvrir sur cette photographie d’un modèle ancien :

Voilà il faut le reconnaitre une manière ancienne et bien baroque d’ouvrir son pantalon. Si pour les hommes cette méthode de boutonnage est totalement tombée en désuétude, les femmes peuvent encore trouver occasionnellement ce type de finition, comme vous pouvez le constater ci-dessous. Elles appellent ce modèle « pantalon de marin », car ce sont bien les hommes qui le plus longtemps ont porté ce type de pantalon. Je serais d’ailleurs très intéressé d’apprendre jusque quand la Marine Nationale a admis ce modèle comme réglementaire. Peut-être qu’un lecteur le saura?

Parce que les marins portaient ce type de pantalon et qu’ils ont l’habitude de se travailler sur le pont des navires, un rapprochement logique s’est effectué entre eux et « le pantalon à pont ». J’ai tendance à penser que le mot pont vient tout simplement du vocable tailleur, désignant une pièce de tissu mobile faisant jonction. D’ailleurs, la braguette actuelle est constituée d’un pont et d’un sous-pont se boutonnant derrière.

Cette façon de boutonner le devant d’un pantalon est ancienne, probablement post-Renaissance. C’est au XVIIème et XVIIIème siècle que se forge l’esthétique de ce fermoir. Sur cette culotte déposée à Galliera datée de 1740/1750 (en velours façonné de soie rouille, doublure toile de lin écru, boutons bois recouverts de fils métalliques, cannetille, paillettes argent, lamé or), le pont est clairement visible, de petite dimension d’ailleurs :

Un autre exemple, Empire cette fois-ci montre un pont clairement mis en valeur par une jolie soutache de broderie stylisée :

Le pont pendant longtemps présente des lignes plutôt étroites et verticales comme vous le voyez. Avec l’époque Victorienne, il semble que cette esthétique toutefois cherche à se faire oublier. Question de pudeur? Quoiqu’il en soit, le pont s’élargit pour gagner les côtés sur du pantalon comme sur la photo à droite, où ses bords se font un peu passer pour des poches. Le pont chez Beau Brummell est très haut placé, très discret. Mais probablement très inutile pour satisfaire un besoin naturel…

Au cours de ma recherche, j’ai trouvé ce très beau cliché d’un manœuvre portant un bel exemple de pantalon à pont, qui semble d’ailleurs être en peau :

Voilà pour ce fameux pont, une curiosité de style et de technique. Il semble aujourd’hui que la Navy américaine ait encore l’usage du pantalon à pont avec le modèle dit Crackerjack aux très nombreux boutons. Quant aux bavarois, leurs culottes de peau sont aussi, et normalement, pourvues d’un tel dispositif. Positivement baroque !

Belle et bonne semaine, Julien Scavini

La veste croisée peut elle être sport ?

Un client récemment commandait un costume, coupé dans un tissu ayant l’aspect du tweed donegal. Veste droite et pantalon simple. A l’ultime fin, il m’interrogeait sur la possibilité, ou plutôt la possible logique, de faire une veste croisée pour cet ensemble.

Je n’avais pas pensé une seule seconde à une veste croisée pour un tel tissu. Je répondis non. Non, ça n’a pas de logique. La veste croisée renvoie à un certain formalisme. L’opposé esthétique de ce costume façon campagne moelleuse que l’on venait de finir. Nous étions tous les deux d’accord, aussi, le débat fut-il rapidement clos. Cela ne nous empêchait pas de continuer à discuter sur le sujet.

Mais au fond, y’a-t-il une raison de faire une veste décontractée croisée? Je devais bien reconnaitre que c’est en effet d’un raisonnement curieux. Une veste sport, c’est fait pour être plutôt confortable. Or la veste croisée, devant rester boutonnée, reste assez statutaire. La veste croisée est formelle. Elle oblige. Et si l’on cherche une veste sport, c’est précisément – peut-être – pour faire relâche, la porter ouverte, mettre les mains dans les poches ou la maltraiter un peu.

Par exemple l’hiver, une veste de tweed s’envisage assez peu croisée dans mon esprit. D’ailleurs, il me semble que James Darwen dans Le Chic Anglais dit aussi que c’est d’une « élégance d’ornithologue allemand. »

Je rajoutais que pour l’été, la veste croisée ne me semble pas plus logique. Encore une fois, devant principalement rester boutonnée, elle tient plus chaud qu’une veste droite et légère, facilement déboutonnable. Je pense que les tissus sports ne sont pas tellement logiques coupés en croisé, en dehors du traditionnel bleu marine faisant alors blazer. Je suis allé glaner quelques idées chez SuitSupply, Boggi ou Brooks Brothers et je n’ai pas vu, en tout cas pour cet hiver d’exemples particulièrement enjoués de veste croisée sport. Chez Drake’s, il y a quelques exemples en denim, mais ils sont plutôt d’un style blazer poussiéreux.

Alors quoi, la veste croisée devrait être réservée au costume seulement, et au blazer? Et peut-être aux vestes de cocktail, comme nous l’a montré Daniel Craig. Tout en discutant, je cherchais des tissus sport sympa en croisé et je n’en trouvais pas spontanément.

Cela dit, avec un petit peu de recul maintenant, je repense à un vieil axiome sartorial : l’élégance peut parfois s’opposer au confort. Ou, entre le confort et l’allure, il faut parfois choisir. Car précisément, une recherche esthétique ne doit pas que s’articuler, et heureusement, autour de la notion de praticité. La veste croisée, oui, est un peu moins pratique. Pour autant, faut-il alors la bannir du rayon veste sport? Finalement, bien sûr que non, et il appartient à chacun de se faire plaisir avec une veste croisée en tweed ou en lin pour l’été. Pour le simple plaisir que c’est beau.

Je manie le en-même-temps présidentiel au sujet de cette réflexion. A titre personnel, je confesse ne pas être sûr de cela, pour moi-même. La vision récente d’un agent drapier, portant une veste croisée en tweed prince-de-Galles voyant, me conforte dans cette idée que la veste en tweed croisée est une curiosité stylistique. Et que moi qui ait rapidement chaud, l’été c’est encore moins logique. Mais souvenons-nous de l’article de la semaine dernière sur la garde de robe de Brett Sinclair. La veste croisée dépareillée a un petit quelque chose de baroque, une allure un peu ostentatoire et dandy. Et si l’on veut, alors pourquoi pas. Au fond comme disait Cioran, « N’a de convictions que celui qui n’a rien approfondi.»

Le gilet matelassé

Il y a plus d’une décennie, j’avais acheté chez Hackett un gilet matelassé assez épais, très rembourré de plumes. Qui n’en finissent toujours pas de sortir occasionnellement d’ailleurs. J’aimais beaucoup la praticité de cette pièce, à une époque où j’étais assez seul à en porter. Je ne voyais pas tellement de monde avec, à part peut-être les amateurs de chasse, pêche et traditions. Barbour n’était pas encore tellement à la mode. J’avais essayé de porter ce gilet sur une veste, ou sous une veste. Mais il était bien trop rembourré, aussi était-ce ridicule, d’une manière ou d’une autre. Sur le pull, c’était très bien.

Depuis quelques années j’assiste toutefois à une explosion de gilet matelassé. Il est partout depuis qu’Uniqlo et d’autres l’ont démocratisé, à grand renfort de matières artificielles. C’est peut-être mieux pour les oies. A toutes les sauces, de toutes les couleurs, quel succès fulgurant.

Ce faisant, il est devenu un sujet plus qu’électrique lorsqu’associé avec le costume. Je ne compte pas les amis qui essayent de me convaincre de l’ignominie du gilet matelassé sous la veste. Et je m’en amuse à chaque fois. L’ancien Premier Ministre Édouard Philippe aimait cette allure, et j’entendais pis que pendre sur le sujet. Il y avait probablement une pointe de raillerie politique au delà de ce simple gilet…

Parfois, je le rappelle, ce n’est même pas un gilet, mais des bouts de gilets zippés et rapportés à veste, pour lui donner un côté sportwear deux en un. Classique aussi bien chez Corneliani que chez Celio, du plus cher au moins cher. Il faut bien reconnaitre que c’est un coup de génie. En hiver la veste est chaude avec son morceau de gilet intégré, et au printemps, cette partie peut se retirer.

Mais est-ce élégant le gilet matelassé avec son col cheminée montant sous une veste ou un costume ?

Je me garderai bien de donner une réponse définitive. Toutefois, je note que c’est un retour de l’ancestral gilet, qui lui a presque disparu. Le trois pièces est rare. Et avec ces tissus quatre saisons, les costumes ne sont guère chauds, et cette petite épaisseur en plus est salutaire. En revanche, il est vrai que la forme montante n’est pas aussi gracieuse que le gilet tailleur, échancré en V. Peut-être alors faudrait-il créer des gilet matelassé taillé comme chez les tailleurs, en V ? Edouard Philippe, encore lui, semble l’avoir trouvé. Seyant? Je ne sais pas, voyez plutôt :

Monsieur Darmanin semble le porter entre le costume et le manteau. Il est vrai que la plupart des tissus de manteaux sont fait pour les petits froids. 500grs de laine, ce n’est pas tellement épais. Je conseille moi-même cette astuce à mes clients mesure, en complément au mois de février. Ils ne sont pas obligés de m’écouter !

Au fond, je peux comprendre aisément les amateurs d’un petit gilet matelassé façon Uniqlo sous la veste de costume. Je ne les blâme pas du tout. La seule chose que je remarque est la petite dissonance entre l’habillé et le décontracté. Le gilet matelassé, ça fait un peu sport, genre « je descends de moto » ou « je me presse car j’ai un train à prendre ». Il rompt un peu la dignité du costume.

En même temps, je suis heureux, même très heureux pour le costume. Ce vénérable habit trouve peut-être là un allié utile. Si le gilet matelassé permet au costume de retrouver grâce, ou même de perdurer un peu plus, je ne peux qu’applaudir. Il redevient un peu trois pièces ! Ce n’est pas facile d’essayer de professer que porter le costume est un plaisir. Si pour certain cet accessoire est essentiel et rend le costume plus agréable, je ne peux pas dire grand chose. Je préfère cela au sweat plus doudoune.

Tout le monde a le droit d’être frileux. Pour ma part je porte plutôt des t-shirts chauffants, du même Uniqlo, sous la chemise. C’est formidable. Lorsqu’il avait beaucoup neigé, je crois que c’était en 2019, j’avais gardé quelques temps ce fameux gilet synthétique sous le costume. Agréable encore une fois, mais un peu dépenaillé comme mise. La juste réponse serait peut-être de beaux modèles en flanelles, cela existe, assez minimalistes, et pas trop longs, pour s’arrêter aux alentours de la ceinture. La quadrature du cercle au fond. Je ne connais pas de marque précise, mais je suis sûr que quelques amateurs vont m’en indiquer en commentaires, utiles à tous.

Je n’ai donc pas un avis tranché comme vous le lisez. J’aime le confort de ce gilet matelassé sous une veste, mais je reconnais volontiers que ce n’est pas réellement élégant, la faute à la matière et à la coupe.

Sous une veste sport en revanche, j’oserais dire que tout est permis. Le registre décontracté s’y prête. Attention toutefois, c’est le règne des couleurs variées et des textures. Le gilet en nylon marine sous un beau tweed vert mousse, ce n’est pas très élégant non plus. Il faudrait trouver un tel gilet en tweed, quelque chose qui crée un intéressant rapport de couleur et de matière.

Sinon, est-ce tout simplement cette encolure cheminée, montante et enveloppant le cou qui n’est pas jolie ? Je reviens à mon intuition de départ. Ce col « camionneur » comme il s’appelle rompt avec la tradition d’une encolure dégagée, seulement camouflée sous une écharpe ou un beau châle. Ces gilets techniques font oublier l’écharpe. C’est là qu’ils sont coupables. Coupables d’outrage à un autre bel accessoire.

Et puis, il y a aussi ceux qui veulent porter le gilet matelassé par dessus la veste, façon Brunello Cucinelli. Je ne suis pas sûr de trouver très beau que la veste dépasse sous le gilet, comme lorsqu’une parka trop courte dévoile le bas de la veste. Kitsch au possible. Mais c’est un effet de mode, un peu années 80.

Voilà donc pour ces quelques réflexions, ou divagations, sur cette petite pièce très technique et très dans l’air du temps. Pour ou contre sous la veste et surtout sous la veste de costume, telle est la question ? Aime-t-on mieux le chandail un peu large façon Frédéric Mitterand?

Bonne réflexion et bonne semaine, Julien Scavini