Au fil de l’histoire, les tissus ont été plus ou moins recouverts de motifs. Très tôt dans l’antiquité, ils furent brodés, manière de disperser un ornement suivant un dessin bien particulier. Le tissage lui-même, chez les peuples du Nord de l’Europe, en Asie mineure ou aux Amériques était sujet à fantaisie, en intercalant simplement des fils de couleurs différentes. Le moyen-âge en Europe a vu le développement des motifs semés, petits symboles brodés ou imprimés à intervalles réguliers. Similaire à l’art de l’héraldique, les motifs semés renvoyaient une image positive, à la différence de la rayure, comme nous l’avions vu dans un article dédié, ici.
Pourtant, le vestiaire masculin anglais tel qu’il s’est construit à partir du règne de Victoria n’a laissé que peu de place aux motifs semés. Les cravates ont été les seules à conserver le plaisir des petits motifs. Les petits fleurettes stylisées ont toujours eu le vent en poupe, comme les palmettes cachemire. Les années 30 et 40 apprécièrent les motifs géométriques, petits carrés et losanges dispersés à intervalles réguliers.
Parmi les motifs semés pour cravate, les pois ont toujours eu le vent en poupe. Dès le XIXème siècle, ce motif à la fois simple et hypnotique fut recherché par les amateurs pour son esprit à la fois sobre et classique et en même temps dynamique.
Les anglais appellent ce motif le ‘polka dot’, d’après la danse du même nom. Curieuse étymologie. L’idée de répartir des petits ronds sur un tissu fut très en vogue au siècle dernier, en particulier pour les dames. Chez les hommes en dehors de la cravate, le polka dot n’est pas allé plus loin.
Pour nos cravates, le polka dot classique est de la taille d’une tête d’épingle, deux à trois millimètres environ. Le canon est blanc sur fond marine, comme les noeuds de Winston Churchill.
Les pois peuvent être plus gros qu’une tête d’épingle. Dans les années 30, un portrait présente Maurice Ravel avec une cravate à gros polka dot. Les années 70 ont aussi apprécié ce style, très graphique, comme l’attestent de nombreux clichés de star, du Duc de Windsor en passant par Otto Priminger. Et de nos jours, Tom Ford fait toujours un grand usage des grands pois, en ton sur ton d’ailleurs avec les chemises qu’il recouvre également de ron, pour un effet très psychédélique.
Le polka dot classique peut-être pratiquement ton sur ton, ce qui donne aux cravates ainsi faites une belle profondeur. Généralement, il est blanc sur marine ou blanc sur gris, mais le rouge sur marine est aussi très apprécié. En fait, toutes les couleurs peuvent ainsi être appliquées, le résultat est un motif dé-multipliable à l’infini, suivant les moments et les envies. C’est un tissu de cravate à la fois très formel (notamment en gris ou marine) mais qui est en même temps d’une relative fantaisie. De mon point de vue, les petites fleurettes stylisées, assez petites et discrètes, sont plus formelles.
La nuée de points irréguliers, plutôt appelée ‘spot pattern’, n’a jamais vraiment eu le vent en poupe. Le polka dot en revanche est tellement à mode de nos jours que même les chemises sont ainsi recouvertes. Plutôt décontractées, ces chemises portent sur elle l’ornement. Inutile alors de porter une cravate. C’est une conclusion amusante. A l’heure où les cravates sont moins portées, ce joli motif, juste équilibre entre discrétion et fantaisie reste toujours dans le coup !
Bonne semaine. Julien Scavini
M. Scavini,
J’apprécie toujours la simplicité d’une cravate à pois et je la préfère à une cravate simplement unie. Quand à ce costume Prince de Galles avec gilet croisé qui illustre votre article, c’est un vrai régal pour les yeux.