Gatsby Le Magnifique, Part. 1

J’ai pris goût à décortiquer scènes après scènes les films élégants, depuis Titanic pendant le confinement. Mais quel travail toutefois ! Avec un client récemment, nous parlions de Gatsby Le Magnifique. Pas le film récent avec Léonardo DiCaprio. Non. Mais celui de 1974, réalisé par Jack Clayton, sur un scénario adapté par Francis Ford Coppola, avec comme acteur principal, Robert Redford. Quel film ! Je l’ai vu il y a longtemps, et j’en avais gardé un souvenir douçâtre. Beau certes, mais triste, mélancolique, en un mot difficile. Certes le roman de F. Scott Fitzgerald narre une fête permanente, la joie des années folles. Mais l’intrigue et le fond de l’histoire sont sombres et amers. Ce n’est pas tellement un film à regarder à la légère, à la différence du dernier opus, bien plus tapageur. Là, nous sommes dans l’introspection, l’exploration des mentalités de la haute société et son désœuvrement. Et dans l’amour surtout. Des uns pour les autres, et … des belles choses ! Une apothéose visuelle. Attention, j’ai pris une centaine de clichés haute définition. Alors attachez vos ceintures. Je vais distiller cet article en deux épisodes.

Évidemment, la question que tout le monde a sur les lèvres d’abord. Et Ralph Lauren ? Oui, oui, Ralph Lauren a bien réalisé les costumes masculins. Il est d’ailleurs dûment crédité au générique, voyez ci-dessous. Il faut mentionner que la costumière « en chef » Theoni V. Aldredge a reçu un Oscar de la meilleure création de costumes. L’intitulé du générique laisse penser que Ralph Lauren a pensé les costumes également, comme le suggère la mention « by » alors que pour les femmes, « wardrobe et hats », il est écrit « executed » laissant penser alors à une simple exécution sur commande.


Rappelons qu’en 1974, Ralph Lauren était tout jeune. J’avais fait sa biographie ici. « 1970 marque le début de la consécration, lorsque le grand magasin Bloomingdale’s propose à Ralph Lauren d’ouvrir son propre corner, une première ! […] En 1971, à l’occasion du lancement d’une collection de chemisiers pour femme est introduit la broderie devenue célèbre, le petit joueur de polo, à l’époque placé sur les poignets. En même temps est ouverte sa première grande boutique en propre, sur Rodéo Drive à Beverly Hills. » Donc presque au moment où doit débuter la pré-production du film. Une aubaine en terme d’image de marque !

Son esthétique colle parfaitement au film, voyez ces initiales blasonnées sur les accessoires du film.

Démarrons, par le générique, qui pose le décor, avec envie. La maison, imitation du Trianon de Versailles, a été construit en 1909 par la famille Oelrich. Elle se situe à Newport, Rhode Island. Plus précisément au 548, avenue Bellevue, Rosecliff.

Passons en revue maintenant les personnes. Commençons par Bruce Dern, jouant Tom Buchanan. Personnage patibulaire. Le diaporama vous permet de faire défiler les photos. D’abord son costume d’apparence gris, dont on découvre qu’il est en pieds-de-poule noir et blanc. La chemise semble rayée de vert. Je regarde avec plaisir son blazer croisé 8×4, très old-school. Son col de chemise arrondi est toujours attaché d’une épingle en or. Dans les dernières scènes, avec le costume gris perle uni, c’est la cravate qui passe en pieds-de-poule. A la toute fin du film, son manteau croisé présente un col de velours. Prêtez attention à sa robe de chambre, sublime avec ses motifs « paisley« .

Passons ensuite à Gatsby, joué par Robert Redford. Personnage énigmatique, il apparait doucement dans le film. J’ai d’abord remarqué le gilet du smoking, réalisé dans une soie jaquard, avec une texture donc. Intéressant.

Passons ensuite à la première scène en costume plus simple. Enfin simple… sublime rayure, cravate aux discrets motifs, pour un ensemble noir et blanc rutilant. Comme l’automobile !

Arrêtons-nous un instant sur l’automobile. Je l’avais dessiné il y a longtemps. Un amateur éclairé de mes clients, et amis, m’avait juré qu’il s’agissait d’une Duesenberg d’Indianapolis. Je pense cela assez logique. Plus américain. Pourtant, dans le film, c’est bien une Rolls-Royce. J’ai perdu un pari sur cette affaire.

Passons ensuite au costume crème. Ralph Lauren semble avoir sélectionné de la flanelle. Ou un mélange lourd avec de la soie. Lin et soie probablement, avec peu de froissage. Le personnage a chaud, le film donne chaud. Son atmosphère déliquescente passe merveilleusement à travers les visages de sueur des acteurs. Quelle grande allure tout de même ! Le gilet croisé est coupé sans « trapèze » des boutons, ceux-ci sont parallèles.

Puis vient le célèbre moment où les sublimes chemises aux tons pastels virevoltent dans les airs. Quel charme. Quelle fantaisie aussi, au fond. Je regrette que les cols, toutefois, soient attachés. L’époque était encore aux cols durs, les « stiff collars ».

Quelques autres scènes nous présentent un Gatsby plus simple. J’aime beaucoup le pantalon de lin blanc rayé marine. Mais la ceinture en cuir blanc me laisse songeur.

Dans une scène, Gatsby semble porter une veste en velours à col châle. Tout simple, sans effet ni tapage.

A la différence de ce costume rose, « quintessential » disent les anglais. Oui, une apothéose. Pas facile à porter toutefois de nos jours. Avec la cravate grise, modératrice, l’écueil de faire trop est évité.

A la fin du film, je note avec envie cette sortie-de-bain, on dit aussi peignoir, gansée d’une tresse bi-colore et aux initiales brodées. Superbement chic !

Arrêtons nous un petit instant sur les queues-de-pie. Les années 20 sont encore assez reculées. La queue-de-pie n’a trouvé sa norme finale, telle que nous la connaissons, que dans les années 30, voire 50 où elle est devenue très normée. Le film devrait donc montrer des queues-de-pie encore un peu 1890, avec des trottoirs, c’est à dire des revers en deux parties, satin + tissu. Les revers pourraient être très ronds sur certaines. Les bas de manche parfois avec un galon horizontal, etc. Pourtant, il n’est est rien. Elles sont, comme dans Titanic, très standardisées. D’ailleurs Gatsby a la même que Nick, pourtant bien moins riche. Les pantalons ne montent pas assez haut, et les gilets sont trop bas. Cela manque de quelque chose. Raph Lauren a du s’en rendre compte et pour donner du relief, il a affublé les personnages de chemises curieuses … avec un plissé, typiquement post seconde-guerre mondiale. Voire années 70. D’ailleurs, les chemises ne semblent pas à col cassé. Tout cela est une touche artificiel.

Le gilet de Gatsby semble en jaquard de soie là encore, un peu façon peau de requin. Amusant. Le personnage de Nick a peut-être l’ensemble le plus classique, chemise à plastron dur et col bien haut, gilet simple.

Pour finir ce soir, quelques vues générales du film. Une splendeur qui fait très vite oublier des minuscules défauts. Qui n’en sont pas d’ailleurs. 1- Amusante veste de régate. 2- Exquis panorama au golf. 3 & 4- l’agent de change avec son « stroller », l’équivalent plus simple de la jaquette, mais à veste rayée (ce sont des américains, ils ne savent pas les pauvres). 5- le bureau de Nick à New-York. 6- Le grand escalier, cette contre-plongée, quel plan ! 7- Petit cours d’escrime ; l’arbitre est d’une grand dignité. 8 & 9 – notre belle petite assemblée aux tons pastels.

Et pour finir, ce plan. Quel plan ! Une vraie publicité. Il en a eu de la chance Ralph Lauren d’être tombé sur un si gros coup de pub !

On se revoit la semaine prochaine, pour continuer l’épluchage de film, et surtout découvrir la sublime garde-robe, la meilleure peut-être, celle de Nick Carraway joué par le talentueux Sam Waterston.

Bonne semaine, Julien Scavini

4 réflexions sur “Gatsby Le Magnifique, Part. 1

  1. Yves D 21 septembre 2020 / 21:45

    Merci, photos et commentaires donnent encore plus envie de bien se vêtir !

    • Julien Scavini 21 septembre 2020 / 22:07

      Merci à vous !

  2. VincentL 23 septembre 2020 / 09:19

    Un film parfait si on a besoin d’inspiration pour l’été, mais rare sont ceux qui osent porter le costume pendant cette saison.

    Je trouve que le costume 3 pièces donne de l’élégance à ces messieurs, à part les personnes d’un certain âge, on n’en voit plus tellement.

    Hâte de vous lire sur la garde-robe de Nick Carraway, avec ses cols de chemise très imposants !

    (Pour parler des autres points forts du film, je retiendrai la musique et le charme fou de Lois Chiles)

    • Julien Scavini 28 septembre 2020 / 20:18

      Merci pour votre bon mot! Il est vrai que le trois pièces en été, c’est dur dur !

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