Mon avis sur (De) Fursac

On me demande fréquemment ce que je pense de la marque De Fursac, qui il faut le reconnaitre, est depuis bien longtemps ancrée dans le paysage stylistique français. La marque est ancienne. Les anciens l’appellent encore « Monsieur de Fursac ». Le nom de la marque est tiré du nom d’une ville en fait, Saint-Etienne-de-Fursac, où furent installés les ateliers.

Je n’ai jamais su trop quoi penser de cette enseigne et je n’en disais donc rien. Je notais juste que beaucoup de clients se plaignaient de tissus trop fragiles aux pantalons. De mon côté, je leur rétorquais que précisément, les costumes se vendaient bien car ils étaient légers, souples. Et que cette réflexion au fond était un peu schizophrène. Déplorer les conséquences d’une cause appréciée, c’est un classique.

Je n’étais pas très sûr de savoir où positionner De Fursac. Style proche de celui de Dior, mais moins cher. Esthétique pas très loin de A.P.C. mais plus orientée costume et ville que cette dernière. Esprit relativement parisien. Prédominance du noir. Moi qui étais plus proche de l’élégance d’une maison comme Hackett, vantant la countrylife anglaise, je n’étais pas clients. Mais nombre d’amis dans les tours de La Défence aimaient De Fursac. Et surtout ses soldes, qui furent longtemps très attractives.

Un jour, je demandais à un grand industriel français du textile son avis sur De Fursac. Devant ma moue interrogative, il fut très clair et très net. « De Fursac, c’est LA référence du costume en France. C’est eux qui définissent le cahier des charges de référence, et créent le rapport produit-prix. C’est l’étalon du costume sur le marché national. Un costume De Fursac sortie des usines de France, c’était la Rolls de ce qui se faisait, en France, avant que la marque ne décide d’aller produire à l’Est de l’Europe ». Dont acte. Ci-dessous, visuels récents, au petit esprit Attrape moi si tu peux avec Léonardo DiCaprio :

Dès lors, je me mis à regarder avec plus de sérieux les vitrines de De Fursac, ainsi que ses campagnes de publicité. Quelqu’un de sérieux m’avait dit que c’était la référence. Alors soit, je le prenais au sérieux, et ne trouvais rien à redire à mes amis en De Fursac. Quand aux clients cités plus hauts, je continuais le même discours qu’avant. On aime ce qu’on achète et inversement.

Et puis voilà, la marque a été rachetée par SMCP, un gros groupe textile. Un nouveau directeur artistique est arrivé, Gauthier Borsarello jadis commentateur de mes humbles articles ici. Je ne pouvais que me dire, espérons qu’ils fassent bien les choses, ce n’est vraiment pas une industrie facile le textile. Même dans un secteur en croissance comme l’habillement masculin, ce n’est vraiment pas simple. Il faut tirer son épingle du jeu sur un marché national aux prix serrés, face à des acteurs internationaux très lourds (Hugo Boss, Suit Supply, Boggi éventuellement, etc…).Il faut avoir les bons codes, les bons réflexes de style.

Le fait est que les silhouettes proposées sont très élégantes  maintenant, et bien moins fades que par le passé. La maison surfe sur un léger revival des années 80 et 90 très à la mode et porté par un créateur jeune quadragénaire. Le catalogue présente des vêtements bien choisis (manteau long cet hiver, blouson dans de belles matières, col roulé à l’italienne, etc… Un petit mixte entre les parisiens A.P.C. , Husbands, Beige Habilleur, Dior, et les mastotodontes Ralph Lauren ou Gant. Les deux manteaux ci-dessus sont très beaux. Et ci-dessous : certes le mannequin au sourire froid d’humanoïde ne m’inspire pas. Mais les tenues sont très belles. Beaux mocassins, belles chemises aux cols généreux, cravates amusantes. Un peu esprit Wall Street 1990.

Surtout, ce que j’apprécie par-dessus tout, c’est le nouveau positionnement tarifaire. J’ai vu au CNIT jeudi dernier une vitrine présentant un pantalon en coton blanc, net, au prix de 255 euros, avec des petits ajusteurs sur le côté. Voilà un produit avec une bonne marge. Donc, une marge permettant de vivre et de se développer, une marge rémunérant un groupe et ses travailleurs, en particulier les vendeurs dans les boutiques. Sur un marché national qui s’éteint de sa propre recherche du prix toujours plus bas, c’est un signe salutaire. Un produit vaut quelque chose.

Les jeunes marques digitales ayant érigé comme un dogme l’annihilation des intermédiaires, pour vendre au prix le plus « honnête » en direct d’usine, ont renchéri sur ce phénomène franco-français. Loro Piana avait fait une étude sur ses marchés tissus, et avait découvert qu’en France, c’était le pays où il était possible d’acheter un costume en tissu Loro Piana le moins cher au monde. C’est ahurissant.

Cette politique prix de Fursac (la marque a perdu son DE, à tord ou à raison… ?) m’est apparue heureuse. On ne crée pas une envie de marque, une image, un désir en donnant ses produits. Au contraire. « Qui trop embrasse mal étreint » ai-je lu quelque part. C’est assez vrai. En même temps, le consommateur n’a pas un portefeuille extensible et donc il y a une friction de marché. Je ne sais pas du tout où en est la maison Fursac. Elle a ouvert à Londres. Va ouvrir à New-York.

On peut lui souhaiter bonne chance je crois. Voilà une jolie enseigne qui propose de jolis produits. Dessinés à Paris. Soyons orgueilleux de notre patrimoine économique. Voilà mon avis en fait.

Belle et bonne semaine, Julien Scavini

J’ai écouté ce soir pour rédiger cet article, Les Nocturnes de Claude Debussy, par Pierre Boulez.

4 réflexions sur “Mon avis sur (De) Fursac

  1. Emeric 3 avril 2023 / 21:18

    « aux priX serrés »

    Sauf erreur de ma part;

  2. Emeric 3 avril 2023 / 21:19

    Et comme toujours excellent article.

  3. François B. 4 avril 2023 / 20:24

    Cet article fait écho à ce que j’ai effectivement remarqué depuis peu de temps. En effet, je n’étais franchement pas fan du style (ou plutôt du non style) De Fursac et je me surprends sur les dernières collections à trouver quelques pièces beaucoup plus intéressantes sur le plan stylistique, probablement aussi moins passe partout et consensuelles mais avec ces caractéristiques comme lignes directrices ne fait-on pas finalement que du tiédasse ? Pour autant, je ne suis pas persuadé de devenir un acheteur potentiel dans un futur proche. Ceci dit, qui sait, peut être que si cette tendance se poursuit j’y songerai d’avantage. Seul les étroits d’esprit ne changent pas d’avis après tout.

  4. Alfred 6 avril 2023 / 11:04

    La qualité depuis l’arrivée de M. Borsarello a chuté.

    Les produits sont fabriqués dans le tiers-monde, les boutons sont en plastique, les matières sont immondes…

    Encore une belle marque tuée par Sandro. Vous arrivez un peu tard.

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