Les habits iconiques de Philip Mortimer

Cela fait bien deux décennies que, régulièrement, j’entends parler d’une adaptation de Blake et Mortimer sur grand écran. Et puis… rien. Un projet chasse l’autre, un réalisateur est annoncé, puis se retire, et la montagne accouche d’une rumeur…

Blake et Mortimer, pour moi, c’est d’abord un souvenir d’enfance. Ma mère me les achetait quand j’étais petit. J’aimais ces aventures en ligne claire, ce rythme étrange, solennel, presque théâtral, de deux Britanniques figés dans une époque qui n’existait plus. Si je me suis mis à dessiner ainsi, avec cette obsession de la netteté et de la construction, c’est bien parce que je lisais Jacobs. Enfin… « lisais » est peut-être beaucoup dire. Enfant, je musardais plutôt entre les cases. Je regardais les décors, les silhouettes, les attitudes.

Récemment, j’en parlais avec un client cinéaste. Très vite, il me pose la question qui semble s’imposer :
Mais vous le tournez en français ou en anglais ?
Anglais, ai-je répondu spontanément. Quelle question. Ils sont anglais. Ils vivent à Londres. (Et puis dans ma tête, je pense plus à une adaptation élégante, parfaite pour Arte, plutôt qu’à un blockbuster. Donc l’élégance des choses me poussent au respect. De la langue?)

Mais justement, à y réfléchir, ce n’est pas si simple. Blake et Mortimer est peut-être avant tout une bande dessinée profondément francophone… pour anglophiles. Une Angleterre rêvée, reconstruite, filtrée par le regard d’un auteur belge, nourri de théâtre, d’opéra et de classicisme. Alors peut-être faudrait-il tourner en français. Ou alors faire parler des Anglais en français, avec un accent. Mais les accents au cinéma ne fonctionnent pas toujours. Ils deviennent vite des artifices, voire des caricatures.

Bref, cette conversation, amusante en apparence, m’a fait réfléchir plus que prévu.

Et puisque je suis tailleur, ce sont les vêtements qui m’ont immédiatement intéressé. Plus précisément ceux de Mortimer. Blake, lui, est souvent en uniforme : aviateur, officier, figure de l’État. Mortimer est un civil. Un savant, certes, mais un homme qui circule dans le monde ordinaire. C’est là que tout se joue.

Si Blake et Mortimer devait exister à l’écran, la vraie question serait peut-être celle-ci : comment habiller Mortimer ?

Je l’ai donc observé de plus près. Vraiment. Et j’ai découvert quelque chose d’assez troublant : Mortimer n’a pas de barbe en fait. Sans moustache, ce n’est pas une barbe. C’est un collier de barbe. Un genre Robert Hue avant l’heure. Rien que cela, ce sera difficile à assumer pour un acteur. Il n’y a guère plus anti-sexy, non ? Et pourtant, Blake et Mortimer ont un certain charme. Un charme discret, intellectuel, très britannique dans l’esprit — qu’il faudra absolument préserver. Le voilà notre pinçon, dans un dessin plus années 70 que 50, il part au Japon là :

Mais laissons un instant la pilosité faciale. Revenons à l’essentiel : les vêtements. Ceux qui font Mortimer. Ceux qui le rendent immédiatement reconnaissable, même vu de dos, même réduit à une silhouette.

Deux ensembles dominent. Le manteau. Et l’ensemble dit « sport ». C’est là que Mortimer devient iconique. Et c’est là que cela devient vraiment intéressant. Observons encore cette image sortie de La Marque Jaune, l’album fétiche :

Je me suis amusé à dessiner Mortimer plus précisément. À l’observer. Et ce faisant, je me suis heurté à une limite inhérente à la bande dessinée classique — et plus encore à la ligne claire. Dans une BD, la mise en couleur s’effectue par aplats. Il n’y a pas de place pour la texture.

  1. La technique n’est pas celle de l’aquarelle.
  2. Elle ne laisse aucune place aux nuances de gris. Il n’y a pas — ou si peu — d’ombres. La couleur est franche, posée, presque conceptuelle.

Mais de mon côté, avec un ordinateur et Photoshop, je peux faire exactement l’inverse. Je peux introduire de la matière. De la vraie. De la fibre, du grain, de l’irrégularité. Comme Rosace l’avait très justement fait dans Croquis Sartoriaux, en comprenant que le vêtement dessiné n’est pas une fin en soi, mais une suggestion.

Je me suis donc dit ceci : ce que Jacobs a dessiné à plat, moi je peux choisir de l’interpréter en texture.

La veste : clé du personnage

Le cœur du sujet, c’est cette veste sport à trois poches plaquées. Une pièce extraordinairement britannique, extraordinairement civile, et fondatrice du personnage. Elle n’est probablement pas coupée dans un tweed verdâtre uni. Pourtant, de loin, c’est exactement ce qu’elle donne à voir. Ce paradoxe est intéressant. Cela suggère un micro-motif, quelque chose qui se fond à distance. Or, qu’est-ce qui se portait abondamment dans les années 50–60 pour les vestes sport à motifs discrets ? Le gun tweed vu sur Simon Crompton ci-dessous.

Des petites harpes de couleurs variées, organisées en pieds-de-poule minuscules, sur un fond neutre. À distance : une masse calme. De près : une richesse graphique. Exactement ce que Mortimer incarne. Sa veste est donc, à mes yeux, très certainement coupée dans un gun tweed. Et puisqu’il porte un pantalon marron, il est logique qu’on retrouve dans la veste une pointe de brun, pour construire un camaïeu cohérent, savant, mais jamais démonstratif.

Mais il est probable à l’inverse ce ma démonstration, que dans un adaptation cinéma, cette finesse d’analyse soit gommée au profit d’un gros tweed vert d’eau, plus stéréotypé et de lecture plus simple à l’écran.

Dernier détail intéressant de cette veste, elle n’a qu’un seul bouton devant. Voir ci-dessous. Choix de facilité graphique certainement. Et peu ou pas aux manches suivant les albums.

Le pantalon : la stabilité

Le pantalon, lui, est plus simple. Une flanelle marron. Épaisse. Solide. Sérieuse. La flanelle est le tissu du savant britannique par excellence : chaude, mate, rassurante. Elle ancre Mortimer dans le réel, dans le quotidien, face aux délires technologiques et aux menaces extraordinaires qu’il affronte.

Les chaussures : hérésie ou francophilie ?

Aux pieds, Jacobs dessine des richelieux. Puis des derbys. Et là, je ne peux m’empêcher de sourire. Les derbys trahissent une vision continentale de l’élégance britannique. Une Angleterre interprétée. Et c’est très bien ainsi : cela fait partie du charme.

Chemise et nœud papillon

La chemise, de son côté, n’est pas blanche. Elle est écrue. Je l’imagine volontiers coupée dans un twill coton-laine, ce qui explique cette teinte chaude, légèrement sourde, et son tombé plus doux qu’un coton sec.

Quant au nœud papillon… il change de couleur tout le temps. Liberté absolue. J’ai donc choisi de le représenter dans une soie à léger motif cachemire. Une fantaisie contenue, presque intellectuelle, qui rappelle que Mortimer n’est pas un militaire, mais un homme de pensée.

On remarquera avec amusement dans toutes La Marque Jaune que le trait de la boutonnière du revers se retrouve parfois à droite… Et est absent à gauche! Diantre.

Le manteau

Ah, le manteau. Je regrette que les nouveaux dessinateurs de la franchise ne l’aient pas mieux observé comme je l’ai fait. Car ils le dessinent presque tous n’importe comment. C’est d’ailleurs l’écueil récurrent des « nouveaux » Blake et Mortimer — que je ne trouve pas élégants, il faut bien le dire : une caricature esthétique des années 50, parfois jusqu’au grotesque. Comme si l’époque se résumait à quelques clichés visuels empilés sans compréhension réelle des vêtements.

Or ce manteau, précisément, mérite mieux. Il est coupé dans un drap de laine bouillie, donnant ce relief granuleux très caractéristique. Aujourd’hui, on parle volontiers de laine casentino, mais il faut bien comprendre qu’il s’agit surtout d’un développement marketing moderne d’un drap rustique ancien. Ce type de laine existait bien avant d’être nommé et labellisé.

Mortimer l’a choisi dans un ton vert, qui se raccorde avec la veste et ne jure pas avec le pantalon marron. Une couleur intellectuelle, presque scientifique, qui s’éloigne du noir urbain comme du brun campagnard. Une couleur qui par ailleurs va si bien avec l’écharpe jaune. Un vert qui d’ailleurs varie beaucoup suivant les époques et les éditions.

La coupe

La forme est ample, typique des années 50. Un manteau fait pour être porté par-dessus une veste épaisse, sans contraindre le mouvement.

  • Épaules généreuses
  • Têtes de manches bien dodues
  • Volumes assumés

Le devant présente huit boutons, dont six forment la croisure. Une disposition devenue rare aujourd’hui, mais parfaitement logique à l’époque : ce manteau est avant tout conçu pour tenir chaud. La protection prime sur la ligne.

Le revers, très précisément dessiné, comporte une encoche profonde et une contre-anglaise courte. Elle permet au col d’être porté relevé, de se fermer réellement autour du cou et de couper le vent. Ce détail est fondamental : il montre que le manteau n’est pas décoratif, mais fonctionnel.

Les poches et la ceinture

Les poches sont des modèles dits boîtes aux lettres. Des poches plaquées, profondes et utilitaires.

La ceinture, elle, vient cinturer le manteau, provoquant un léger blousant sur le haut. Ceinture qui semble boutonnée dans le dos d’après la case ci-dessous. Cette silhouette — très présente dans les années 30 comme dans les années 50 — donne à Mortimer une allure à la fois importante et active.

Un polo coat, au fond

Tout cela fait immanquablement penser à ce qu’on appelle aujourd’hui un polo coat. Un terme très anglo-saxon, pour désigner un manteau urbain mais pas formel. Un manteau sport, au sens noble du terme. Les surpiqûres à deux centimètres, bien visibles, appuient franchement cette idée.

Ce manteau, finalement, est exactement ce que Mortimer est : un homme sérieux, mais pas rigide ; un intellectuel, mais jamais abstrait ; un Britannique rêvé, vu par un Européen.

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En redonnant de la texture à ce que Jacobs avait volontairement aplati, je n’ai pas cherché à corriger le dessin, encore moins à l’améliorer. J’ai simplement tenté de prolonger le geste dans un idéal de tissus anglais. D’Angleterre rêvée. De faire passer Mortimer de l’aplat à la fibre, du signe au tissu. Jacobs, en ligne claire, n’a pas dessiné des tissus : il a dessiné des intentions : la veste sport, avec ses poches plaquées et son gun-tweed discret, raconte l’homme civil, l’intellectuel pas guindé. A l’inverse peut-être de Blake. Le pantalon de flanelle l’ancre dans une stabilité presque rassurante. Le manteau, enfin, condense tout : protection, fonctionnalité, élégance sans ostentation. Rien n’est là pour séduire. Tout est là pour durer. Et endurer vue les aventures traversées !

Belle semaine, Julien Scavini

Le Concert du Nouvel-An à Vienne

Aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours vu le Concert du Nouvel-An le 1er janvier. Dans mon enfance, c’était chez ma grand-mère, maintenant c’est chez moi. Un plaisir renouvelé pour bien démarrer l’année, en cuisinant puis en prenant l’apéritif. Les horaires sont bien calés ! Il y a quelques temps, je me trouvais chez des connaissances pour cette occasion, et eux ne connaissaient pas vraiment cet évènement musical. Cela ne les enjouait pas et l’on me força à passer à table sans pouvoir le voir. Autant dire que je n’y remettrai pas les pieds.

Intéressons-nous à la question vestimentaire du Neujahrskonzert der Wiener Philharmoniker. Tout le monde a l’habitude de voir les orchestres vêtus de noir. Noir de la queue-de-pie, ancestrale et très statutaire. Noir du smoking, classique et intemporel. Noir aussi de la simple chemise ou du t-shirt, les mœurs et les orchestres évoluant. Le noir est lié à l’horaire, le soir. Toutes les représentations ne sont pas le soir, mais le noir est devenu synonyme d’habit de la scène musicale, en journée ou en soirée.

A Vienne, le Wiener Philharmoniker est très à cheval sur le respect des traditions. Autant dire que cela me va très bien. L’orchestre va plus loin et plus méticuleusement dans le respect de l’étiquette vestimentaire que bien d’autres. Le soir, l’orchestre joue donc en queue-de-pie, autrement dit « white-tie ». Mais le jour, il est très fin, et adopte le « morning-coat », autrement dit la jaquette, anthracite tendance noire. Le pantalon est de coutil, rayé gris et noir et le gilet gris clair, soit droit soit croisé. Sur de nombreuses photos, l’orchestre troque toutefois la jaquette longue et courbe pour une veste classique de costume, de la même teinte anthracite foncé. Ce faisant, il porte l’alternative plus simple appelé le « stroller » ou « lounge suit », visible sur la photo ci-dessous (avec cravate club ou cravate argent, pas du meilleur goût, mais c’est ainsi).

Cette alternance de tenue est tout à fait délicieuse à observer pour l’amateur de beaux vêtements. Il y a là des gens qui savent porter et savent quoi porter, une peu de finesse en somme, dans un monde bien simplifié. Un sens de la circonstance.

Chaque année pour le concert du Nouvel-An, l’orchestre invite un chef. Le chef lui, est libre de s’habiller comme bon lui semble. Et justement, comment s’habille-t-il ? Cette année, c’était le grand chef allemand, très conservateur, peut-être héritier spirituel de Karajan (mais qui n’arrive pas à prendre le Berliner Philharmoniker), qui était invité pour la seconde fois à diriger. Christian Thielemann était à la baguette. Et Christian Thielemann sait ce qu’est une jaquette. Elle est même superbe la sienne. L’homme porte bien. Voyez plutôt :

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Il avait déjà dirigé l’orchestre pour cet évènement, en 2019. Il portait la même tenue, efficace, parfaitement en accord avec les musiciens. Heureuse fantaisie, cette immense pochette un peu tapageuse. Elle serait plus discrète, et il porterait un bouton de rose ou bel œillet à la boutonnière, ça aurait fait plus d’effet peut-être. Il faudrait lui souffler l’idée.

Remontons dans le temps. Franz Welser-Möst a dirigé en 2023. Lui aussi s’est montré respectueux de l’étiquette du Musikverein. La silhouette longiligne et la coupe de cheveux de kapellmeister finissent de créer une allure indéniablement racée. La cravate bleue toutefois questionne. Est-ce joli d’amener du bleu dans ce monochrome ?

2022. Daniel Barenboim conduit. Il adopte le stroller lui. Mais la veste est coupée de manière avant-gardiste. Un croisé sans revers et à tout petit boutonnage. Quelle curieuse invention. Je ne suis pas sûr de trouver ça joli. Cela dit du point de vue de l’élégance générale, il est en harmonie avec l’orchestre, c’est bien. Et cette veste inédite prouve qu’il va chez un tailleur qui travaille à la main et réalise les moindre désirs. Intéressant donc.

2021. Année avec salle vide cause Covid. Riccardo Muti dirige sans la chaleur de la salle derrière. Horreur. Lui décide de porter le costume croisé et une cravate un peu business. Dommage. On attendrait plus de savoir-faire de la part d’un italien.

2020. Le très réservé letton Andris Nelsons ouvre l’année. On disait qu’il allait dynamiter l’orchestre. Sa prestation fut saluée. Sa veste maoïste me questionna tout le temps du concert. Pourquoi donc avait-il décidé de mettre du cuir sur la face intérieure de la manche..? Cette question m’obséda. Je compris à un moment donné que c’était en fait une veste en velours. Et que par un curieux effet de coupe du poil (sens et contre-sens), celui-ci brillait très singulièrement, comme du cuir. Vraiment pas une idée formidable. Ou un velours médiocre. Sur la pochette du CD, par une habile retouche de Photoshop, ils ont corrigé le tir.

2017. Gustavo Dudamel né en 1981 est connu pour être un chien fou. Mais. Sa jaquette est du meilleur goût. Il adopte même la cravate officielle, argent tissé du logo. On peut être délirant et bien habillé, n’est-ce pas Hubert Bonisseur de La Bath ? J’adore.

2016. Mariss Jansons opte lui pour le smoking. Soit. Mais alors, ce choix d’une cravate argent foncé, quelle affreuseté. Qui lui a conseillé cela? Beurk.

2015. L’indien Zubin Mehta fait le choix d’un stroller simplifié, sans gilet. Mais c’est de bon ton. Avec une œillet rouge plus volumineux, le panache aurait été à son comble. Il a dirigé plusieurs fois le Concert du Nouvel-An, il a toujours porté la même tenue. Une constance honorable.

2014. Daniel Barenboim encore. Il était déjà allé demander quelque chose de nouveau à son tailleur. Une jaquette à col mao. Tiens donc. Pas de cravate, chemise à simple pied-de-col. On peut regretter l’absence de cravate. Mais moi j’aime bien cet effort et ce parti-pris. Il a décidé qu’il voulait être dans le thème jaquette donc il s’y colle, avec la forme de la veste et le pantalon en coutil. En même temps, il cherche la décontraction et une ligne nouvelle, il trouve une réponse intéressante. Il est toujours possible d’inventer des nouveautés. Qui peuvent être moches et ratées. Ou comme là, intéressantes.

2012. Mariss Jansons portait cette année là un costume à veste trois boutons, gansée. La cravate entre gris et beige, façon tricot n’est pas la réponse ultime je dirais humblement. Visiblement, lui, il ne veut pas de jaquette.

2010. Un français dirige. Georges Prêtre. Pas en jaquette. Est-ce étonnant ? Toutefois, son costume est une somptuosité. Une coupe confortable irréprochable, un revers placé pas trop haut, un boutonnage plutôt bas, une cravate sobre et qualitative dont la nuance rappelle sa chevelure… Oui, c’est très beau.

2009. Daniel Barenboim avec sa fameuse jaquette à col mao et pas de cravate.

2006. Mariss Jansons n’est pas un conventionnel. Redingote à quatre boutons, gansée. Redingote donc… Et bien pourquoi pas.

2005. L’américain Lorin Maazel. Dignité de la simple jaquette, avec gilet croisé à huit boutons et sans revers. Bien.

2004. Nikolaus Harnoncourt, comte de La Fontaine et d’Harnoncourt-Unverzagt. En voyant son nom dans la liste, lui le maître de Bach, l’ascète protestant, je me demandais bien ce que j’allais trouver. Je fus étonné. Stroller sans gilet et large nœud façon lavallière. Quel amusement. C’est très intéressant.

2002. Le japonnais Seiji Ozawa. L’homme est très moderne question vêtement. Au moins portait-il une veste pour ce Concert. Il est coutumier de la veste chemise déconstruite. Je ne connais pas son interprétation. Déconstruit-il les œuvres?

L’an 2000. Riccardo Muti est habitué des dates importantes. Pour le passage dans le 3ème millénaire, il portait un costume trois pièces, dont la veste 3 boutons était gansée. La veste ne doit pas avoir de fente dos tant elle emboite le bassin. Elle développe une poitrine généreuse en revanche et les têtes de manches sont l’œuvre d’un tailleur manuel. Il a du adopter la cravate grise de l’orchestre, je doute qu’elle soit beige comme le laisse penser la jaquette du cd.

J’ai eu plus de mal à trouver les archives ensuite de manière fine. Internet a la mémoire courte.

1992. L’allemand Carlos Kleiber choisit le stroller. L’orchestre de Vienne portait à l’époque des cravates club plus élégantes que les actuelles.

1991. Ahhhh. Claudio Abbado, l’homme qui exhuma Mahler des limbes. Exemple très très intéressant. Jaquette avec chemise à haut col cassé et cravate. Façon 1920. Un grand oui !

Roulement de tambour maintenant. Celui que tout le monde attend.

1987. Herbert von Karajan. Il portait une veste (courte, non une jaquette) à cinq ou six boutons, à col cheminée fuyant. Et un nœud papillon façon 1880, placé sous le col de chemise et serti d’un petit anneau métallique. Choix audacieux. L’orchestre jouait en costume avec cravate à carreaux.

En 1986, la veille, année de ma naissance, j’ai l’impression qu’il y eu un Concert du Nouvel-An du soir. L’orchestre jouait en queue-de-pie. Karajan lui portait la même veste. Mais il avait opté pour le col roulé écru (blanc?).

Et pour finir. 1965. L’autrichien Willi Boskovsky porte la jaquette, avec une lavallière perlée. Et surtout, enfin, un magnifique œillet qui est ce qu’il faut avoir un matin en pareille circonstance. Enfin, on l’a trouvé cet œillet. Quand même.

Et pour être désagréable, je suis remonté aux origines. En 1939/1940. A l’époque, le concert avait lieu le soir du 31. Clemens Krauss dirigeait donc un orchestre en queue-de-pie.

Cela faisait un certain temps que je n’avais pas trouvé le temps et la respiration nécessaire pour écrire. Voilà chose faite avec un bel et long article sur un sujet si futile. Mais en ces temps délicats, si utile peut-être ? Une célébration du beau et de l’effort. Un monde de jaquettes et de variantes, quelle diversité dans l’unité. C’est tout à fait captivant. J’aime cela, lorsque dans un univers codifié donné, on trouve son propre chemin et son esthétique personnelle.

Die Wiener Philarmoniker und ich wünschen Ihnen Prosit Neujahr!

En effet, je vous souhaite une excellente année 2024. Julien Scavini

PS : j’ai eu le plaisir de compilater 200 chroniques publiées par le passé dans un joli ouvrage pour les fêtes de fin d’année. Le seul éditeur qui m’a ouvert ses portes est Alterpublishing, qui fait de l’impression à la demande basée sur les moyens techniques d’Amazon. C’est la raison pour laquelle vous ne pourrez trouver ce livre que chez Amazon. Bonne nouvelle pour la planète, pas de gâchis de papier, il est imprimé à la demande, dès l’achat. Vous pouvez l’obtenir en couverture carton (plus chère mais plus belle) ou en couverture souple. Le voici à cette adresse. J’espère sincèrement que ce (gros) recueil vous plaira.

Le mystère von Bülow, part. 2

Dernière partie ce soir sur Le Mystère von Bülow, une étude d’élégance années 80 entamée la semaine dernière. Dernier personnage masculin ce soir, M. Claus von Bülow, interprété par l’immense Jeremy Irons, dont il faut absolument voir, et entendre, la performance en version originale. Un phrasé et une hauteur d’être (certains diront une arrogance) tout à fait délicieuse.

La garde robe de Jeremy Irons fut sélectionnée et proposée par la maison Cerrutti, qui se proposait à l’époque bien souvent pour collaborer avec le cinéma, comme sur les films Pretty Woman ou Basic Instinct. De quoi forger une légende de l’élégance! La garde robe fut complétée par des pièces de chez Ike Behar, une marque américaine que je ne connaissais pas du tout. Ci-dessous le générique :

Jeremy Iron, aka Claus von Bülow n’a pas à l’écran une garde robe très étendue. Au contraire, elle est plutôt réduite, avec comme principal intérêt il me semble, d’être là pour donner l’esprit de la scène. Ni plus ni moins, pas d’esprit de tapage. Urbain-habillé, ou décontracté-campagne, ou intermédiaire, ou nuit. Homme de beaucoup d’argent, la production aurait pu décider de lui donner pour chaque scène un nouvel habit. Ce ne fut pas le cas. Notamment, sa veste en cachemire, toute simple, revient souvent. Le fond est vert « lovat » ou vert-de-gris, à peine rehaussé d’un carreaux ocre et jaune. Il alterne pantalon de velours vert bouteille ou pantalon de flanelle grise, col roulé ou chemise. Trois boutons en bas de manche.

La cardigan brun observé ci-dessous revient plus loin, sans veste. Notez les pantoufles en velours brodées.

Il y a aussi ce sweater à col châle, peut-être un cachemire écossais, lourd, sinon un gros shetland. Il est coupé à la même longueur qu’une veste. Je ne suis pas sûr de trouver cela très beau. Mais c’est sans doute confortable, et doit tenir chaud dans une maison froide.

Au registre des mailles, il y a aussi ce polo manches longues en laine. C’est élégant et raffiné.

On voit aussi un blazer croisé, tout à fait classique, sans fente, comme c’était encore la coutume pour les vêtements italiens de prix dans les années 80. Sinon, chemise bleue simple, ou bleue avec une rayure espacée, déjà vue précédemment. Remarquons le pois, motif archi-classique, d’abord en pochette, ensuite en ascot.

En puis il y a les costumes. Un croisé tout à fait simple, gris anthracite d’abord. La même chemise est utilisée deux fois. Les cravates varient, la rouge fut aperçue un peu plus haut. On constate une recherche de camaïeu avec la pochette, choisie plus ou moins en raccord avec la cravate. A titre personnel, je n’ai jamais tellement aimé cela !

Un seul autre costume apparait, dans une seule scène, avec veste droite à rayures. J’aime bien ce petit « gap collar » typique des années 80, une figure de style de mode, caractéristique bien souvent de vestes très confortables, opulentes. Et qui, à l’époque, n’était pas vu comme un défaut, même s’il ne fallait pas en abuser.

Fini pour les costumes. Passons aux smokings. Claus von Bülow semblait être une sorte de dandy, avec petite touche d’extravagance autorisée. Sous un smoking, il porte un gilet rouge. Sous l’autre (scène située fin des années 50), un gilet à fleurs. C’est d’un goût affreux. Mais cela se faisait. Au moins le papillon est-il noir, ce qui donne un semblant de normalité à l’ensemble. D’autant plus que les gilets, très échancrés, se voient très peu. C’est donc, presque au fond, un non sujet. Une extravagance discrète, et presque plus raffinée qu’un papillon de couleur.

Côté vie en intérieur, le film présente une belle collection de robes de chambre, de pyjamas et une veste d’intérieur à motif cachemire délicieuse. C’est là peut-être qu’il y a le plus de raffinements.

Pour finir, observons ce Barbour, tout simple, utilisé pour sortir les chiens le matin à Rhodes Island. Et un pantalon de flanelle, tout simple, avec une petite ceinture noire brillante.

La costumière du film, Judianna Makovsky, avait à l’époque 23 ans. On peut dire, que c’est une belle performance pour un tel âge. Certes, elle fut aidée par la grande maison Cerrutti, mais tout de même, il fallait un peu de hauteur de vue pour saisir et distiller, suivant les personnages, autant de qualités esthétiques. Nous l’avons vu la semaine dernière. Le fils, habillé façon étudiant de la Ivy League. L’avocat, dans la même veine, avec un côté prof en plus, tendance gipsy parfois. Et Claus von Bülow, richissime mais sans tapage, dans un confort doux et sans complication. Tout cela fut fort intéressant, varié, mais sans excès. Raisonnable et compréhensible.

J’espère ce que cette revue filmique vous a intéressé. Je vous souhaite une belle semaine. Julien Scavini

Le mystère von Bülow, part. 1

Arte, heureusement que cette chaîne existe ! La semaine dernière, elle diffusait un film que je ne connaissais pas, sur une histoire que j’ignorais, Le mystère von Bülow de Barbet Schroeder. La présence de Jeremy Irons, par ailleurs oscarisé pour ce rôle, m’a poussé plus assurément sur le canapé et quel plaisir ce fut. Quelle histoire passionnante. Quelle interprétation. Quels décors. Bref, un film passionnant, c’est assez rare. J’ai eu envie d’en tirer un billet largement illustré. Un travail difficile à faire pour illustrer la garde-robe classique.

Trois personnages ont attiré mon attention : Jad Mager jouant le fils de Sunny von Bülow Alexander von Auersperg, Ron Silver jouant l’avocat Alan Dershowitz, auteur du livre dont est tiré le film, et bien sûr Jeremy Irons en Claus von Bülow. Trois vestiaires tout droit sortis des années 1980. Revue. Les costumes sont signés d’une jeune costumière à l’époque, Judianna Makovsky.

D’abord le générique. Sublime, d’hélicoptère, sur les extraordinaires maisons de Newport à Rhode Island, finissant sur la plus grosse de toute, The Breakers, la villa des Vanderbilt.

Pour les amateurs d’architecture, on voit d’ailleurs dans ce générique apparaitre une maison fort célèbre du cinéma, puisqu’elle fut celle de Gatsby, dans le film des années 1970 dont j’ai fait la chronique ici :


Lançons nous sur Jad Mager jouant le fils de Sunny von Bülow Alexander von Auersperg. Le personnage a entre 20 et 23 ans suivant les instants du film. Son vestiaire est celui d’un garçon ayant fréquenté la Ivy League. Pull cricket, pantalon de velours et mocassins à pompons. Les dimensions sont généreuses, marqueur d’une époque. Admirez aussi cette argenterie de dingue !

Un petit peu plus loin, c’est un cardigan tartan qui fait son apparition, avec une découpe raglan à l’esthétique hautement questionnable.

Cette cravate club est récurrente. Je suis sûr qu’un lecteur en connaitra le nom ou l’université émettrice ? Charmant manteau camel à la coupe opulente.

Remarquons subrepticement les souliers, des dirty bucks. Et un jardin que j’aimerais avoir.

Dirty bucks que l’on voit clairement dans cette image d’une autre scène, où il porte un chino simple couleur amande. Glenn Close est magistrale. Et insupportable. Avoir autant de belles choses et être aussi perdu, diantre…

Revenons à Alexander. Remarquons son blazer croisé, et le retour de la cravate, portée sur une chemise OCBD, avec un chino. Publicité pour Ralph Lauren certaine ! Sa grande soeur Ala von Auersperg, au regard assez dur, est assez peu présente dans le film. Son vestiaire navigue entre le mémère et le grand chic. J’aime dans les deux cas !

L’accord qu’il fait entre cette cravate rouge bordeaux à rayures grises et la chemise à rayures bâton est très intéressant par ailleurs, en camaïeu avec la veste :

Je suis moins sûr de cette veste, au tissu très discutable. J’aimerais avoir la vue de ce bureau en revanche.

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Passons maintenant à l’acteur Ron Silver interprétant l’avocat Alan Dershowitz, qui est l’auteur du livre dont est tiré le film, et qui fut l’avocat de Claus von Bülow. Une vestiaire encore une fois très preppy. Dershowitz avant d’être un avocat, ou en même temps, est professeur de droit à Harvard. Les choix vestimentaires sont donc orientés pour distiller cette impression universitaire. Il n’est pas collé monté. Sa première apparition l’indique immédiatement, sweat, jean coupé et Converse montantes. Un lettré humaniste ET joueur de basket, l’idéal Ivy League.

Il doit se rendre chez son client. Il s’habille donc. Avec une veste de tweed surpiquée à la machine vaguement sack-suit, poches plaquées à rabat sur les côtés, une seule fente dos. Une chemise à col boutonné. Cravate paisley. Chino classique amande et souliers wallabees de Clarks. Typique! comme dirait Patrick Bateman… Remarquez la Rolls-Royce Silver Shadow.

Dans les instants moins formels, une chemise en chambray lui suffit, qui peut s’augmenter d’une cravate. Ceinture de cuir étroite sur son chino.

Ici une cravate intéressante. Bold disent les américains.

Les chemises sont variées. Grand tartan façon plaid, en coton indigo ou écarlate, la costumière s’en donne à cœur joie.

Et toujours ses chaussures à plateau, type wallabees. Joli pull façon Arran, avec ses tresses moelleuses.

Dans une autre scène, on le voit avec un pantalon vert, assez rare. Laine ou coton ? Pince et coupe généreuse.

Le procès arrivant, il s’habille. Trench d’abord, un classique des années 80. Costume marine simple, chemise OCBD et repp-tie, là, on dirait une publicité Brooks Brothers. Il a le bon goût de sortir une petite pochette blanche. C’est ça le savoir-vivre.

Et retour à quelque chose de plus simple. C’est l’heure du basket.

Bon le temps passe et j’ai encore raté la moitié du film sur Arte. Amadeus ce soir. Je finirais donc ce billet en traitant de Claus von Bülow la semaine prochaine. Je vous souhaite une bien belle et heureuse semaine, avec ou sans jardin charmant, avec ou sans bureau avec vue ! Julien Scavini

Brett Sinclair : inspiration pour la garde-robe de gentleman moderne ?

Cet article est une contribution de mon ami Maxime C. Je l’en remercie.

Il existe, dans le petit monde sartorialist, un petit groupe de fans de Brett Sinclair. Surtout en France, d’ailleurs ! La principale raison en est que la série dont est issue ce personnage fut, en dépit de moyens conséquents, un « flop » dans le monde anglophone, mais un réel succès en France, notamment du fait de la grande qualité des dialogues et du doublage.

En préambule, rappelons à ceux qui l’ignore que Brett Sinclair est le personnage principal de cette série[i]. Aristocrate britannique désœuvré, il court le monde autour de ses passions se résumant aux courses automobiles et aux conquêtes féminines. Dès le premier épisode, il rencontre – dans une scène légendaire, presque une parade nuptiale entre deux mâles s’affrontant au volant de leurs bolides respectifs, une Aston martin DBS pour l’un et une Ferrari Dino 256 pour le second – un alter ego en la personne de Danny Wilde, richissime et excentrique américain. Tous deux vont dès lors chercher à sauver la veuve et l’orphelin (surtout la jeune femme, pour être honnête), sous l’égide d’un mystérieux juge qui réussit, ce faisant, à donner un sens à leur vie. S’ensuivront de nombreux voyages, des courses poursuites et, bien entendu, de nombreuses conquêtes féminines, qui forment la conclusion presque systématique de chaque épisode.

Brett Sinclair est interprété par Roger Moore. Celui-ci est alors, déjà, une grande star internationale pour son rôle de Simon Templar dans Le Saint, mais pas encore l’icône qu’il deviendra l’année suivante en interprétant James Bond. Le personnage de Brett Sinclair, qu’il interprète à l’aube de son quarantième anniversaire, et dont il dessine lui-même les costumes[ii], est donc un personnage de transition dans sa carrière, plus élégant et audacieux qu’un Simon Templar, trentenaire chic d’origine plus modeste, plus marginal et peut être moins classiquement viril qu’un James Bond plus formel.

Dans Amicalement vôtre, Roger Moore rayonne dans un début de quarantaine qui n’a rien enlevé à sa plastique de jeune premier. Sûr de lui, il se créé une garde-robe qui exprime sa personnalité et l’aide à séduire les plus belles jeunes femmes. En un mot, Roger Moore, dans cette série, « s’éclate », si vous me passez l’expression, avec la garde-robe de son personnage tout en exprimant ses propres préférences stylistiques.

Le personnage de Brett Sinclair est plus complexe qu’il n’y parait. Côté face, il est un authentique aristocrate anglais, membre de la Chambre des Lords. Il développe toutes les vertus chevaleresques associées à son statut et se pique d’un humour très « british », sachant rire de lui-même. Côté pile, l’aristo devient volontiers bohème, officiellement ruiné (ruiné en Aston Martin, élégance avant tout !), sachant jouer des poings lorsque nécessaire. Il est aussi, en dépit des traditions, un homme de son époque qui s’inspire de la dernière mode. Sa garde-robe, bien sûr, témoigne de la dualité du personnage, c’est d’ailleurs l’une de ses principales caractéristiques.

Cela se matérialise d’abord par des choix stylistiques prenant leur source dans la grande tradition britannique : costume trois pièces, veste norfolk, high buttoning jacket, etc. Cette base est complétée d’inspirations à l’époque très tendances, dans leur forme ou leurs couleurs, avec par exemple une chemise orange, des pantalons un peu larges, des chemises à jabot en certaines circonstances, sans oublier, par exemple, une burma jacket[iii] très en vogue dans les 70’s où l’on aimait les smokings à veste claire ou de couleurs. Débutants s’abstenir, mais quel plaisir à l’heure des smokings mal coupés que la presse people nous laisse à voir.

Brett Sinclair donne une clé essentielle pour l’élégant d’aujourd’hui : s’inspirer de la tradition en sachant écouter la tendance, idéalement en l’anticipant plutôt qu’en la suivant !

Plus généralement, ses tenues se matérialisent par la grande versatilité des pièces qui la composent.

Prenons l’exemple de sa veste croisée, classique dans le style général mais très fantaisiste par le choix d’un tissu à large rayures marron et verts et à rayures dark green[iv]. Il la porte souvent très classiquement avec un pantalon gris ou crème, une chemise claire et une cravate. La même peut aussi apparaitre avec une chemise ouverte, un pantalon plus fantaisie ou encore un foulard. Ainsi, il la porte même en camping avec un foulard négligé, le même pantalon crème et des mocassins blancs ! A réserver aux élégants expérimentés !

Second exemple avec une chemise orange. On la retrouve à la plage, sur un simple pantalon clair, manche doucement relevées. Plus audacieux, la même chemise reparait le temps d’une soirée, portée comme une veste détente, avec un foulard foncé pour lui donner du coffre. On la retrouve encore, largement ouverte, avec le même foulard noir qui lui donne, cette fois, un look de rock star des 70’s.

Autre exemple avec une veste façon cardigan, en maille, croisée, marine[v]. On la retrouve portée aussi bien de manière habillée mais décontractée, avec une chemise Lila et une cravate parme – pour Brett Sinclair, la tenue parfaite pour une balade en voiture – ou encore de manière plus habillée sur la même chemise orange que précédemment, dans l’esprit smoking négligé.

Il traite, de même, ses autres vestes de smoking, sa saharienne et, plus généralement, toutes les pièces de cette garde-robe qui tiendrait presque entière dans deux valises. Du reste, une troisième rentrerait-elle dans le coffre de l’Aston Martin ?!

Que contient la garde-robe de Brett Sinclair ? En réalité, presque rien au goût de l’élégant très doté et certainement peu de choses, même pour la majorité des lecteurs.

On y trouve pêle-mêle[vi] 

  • un costume gris très classique, trois pièces à large revers et à crans superbes. La veste est parfois portée seule, sur un pantalon gris clair. L’ensemble est coupé dans une laine grise à très fine rayures gris clair, créant un effet faux unis[vii]. Le gilet droit compte 6 boutons et le pantalon, droit, se porte sans ceinture.
  • Un costume bleu, avec un bel effet de matière donnant une apparence de rayure (chevron ?).
  • Un costume plus audacieux, gris clair, croisé, à fine rayures marrons[viii], dont la veste est par ailleurs parfois portée en dépareillée, comme ici, avec un foulard en guise de cravate.
  • Un costume chocolat, de coupe classique.
  • Plus audacieux : un costume vert foncé à haut boutonnage, porté surtout à Paris et pour aller aux courses hippiques[ix].

A ces cinq costumes s’ajoutent quelques vestes dont

  • la croisée évoquée plus haut,
  • une belle veste dans les tons chocolats, à motif « pince de galles » beige,
  • une « norfolk jacket »[x] et enfin
  • deux vestes en maille, une bleue marine, également évoquée précédemment, et une chocolat, à coupe droite, portée avec un pull à col roulé camel.

S’y ajoutent

  • quelques vestes de smoking, dont une en velours noir[xi], pour des soirées détente et
  • la burma jacket,
  • ainsi qu’une saharienne dans les tons beiges[xii].

On y trouve également des pantalons, chocolat, beige ou gris, quelques chemises de couleurs, orangée, verte… et une foule de chemises blanches.

Quelques pull-over, notamment à col roulé en cachemire (bleu pétrole, bleu foncé, blanc, brun), prêt du corps, complètent le tout avec quelques manteaux dont un gris à col ou encore un superbe manteau de type trench en cuir chocolat à très large col. Un trench coat revisité de couleur crème, d’une coupe similaire, apparait enfin quelquefois[xiii].

C’est la seconde grande leçon de l’élégance sinclairienne : le personnage possède (relativement) peu, mais bien ! Toutes les pièces sont choisies avec le plus grand soin et portées avec une telle audace que sa garde-robe s’en trouve, en quelque sorte, démultipliée. En définitive, nous sommes ici aux antipodes de certaines idées reçues qui commanderaient, lorsque l’on possède peu de pièces, de choisir des pièces classiques pour les accessoiriser. Il y certainement là à méditer pour l’élégant d’aujourd’hui !

En la matière, il faut mettre en exergue les quelques choix stylistiques récurrents de Brett Sinclair, dont certains méritent d’être, sinon tentés, au moins retenus, ne serait que pour se démarquer des poncifs actuels.

En premier lieu, notons que les chemises sont presque toujours à poignets napolitains[xiv] s’agissant des chemises de jour. Les chemises habillées sont portées, plus classiquement, avec des boutons de manchettes tandis que les chemises fantaisie ont des poignets droits conventionnels. Ces deux dernières, en revanche, proposent une structure plus audacieuse, avec deux poches poitrine à soufflet. Visuellement, cela renforce les pectoraux du personnage tout en donnant plus de prestance à une chemise fantaisie. Par ailleurs, cela lui permet de jouer, comme évoqué précédemment, la carte de la versatilité en transformant la chemise en veste légèreà effet saharienne portée dans différentes configurations.

Notons aussi une réelle prédilection pour les vestes croisées, les vestes à boutonnage haut ou encore les costumes trois-pièces. En définitive, Brett Sinclair ne porte quasiment jamais un simple veste deux boutons ou trois boutons dont seul le second serait fermé. Par ailleurs, il use largement du revers de bas de manche tandis que les boutonnières des manches n’ont généralement qu’un seul bouton, sauf exception (il y en a deux pour la Norfolk jacket, dont aucun n’est porté ouvert).

A la même époque Roger Moore utilise le même type de poignet sur un costume qu’il porte à la ville et non dans la série. Il se montre au sommet de l’élégance dans un fort beau peack label suit, trois pièces. On retrouve les poignets des chemises et les revers de manche typique de la garde-robe de Brett Sinclair, et la même prestance. Le pantalon est cependant plus large, époque oblige, tandis que la tenue s’accessoirise avec des boots noires à zip, une cravate parme faux unie et une pochette de même ton[xv].

Remarquez ce foulard noué en cravate. Et aussi ce bas de manche de veste (de costume, gris à rayure marron)… qui semble disposé comme un mousquetaire, créant un bas de manche large et ouvert en V.

Les cravates sont évidemment importantes dans la garde-robe d’un gentleman. On trouve chez Sinclair deux types de cravates. D’abord, des pièces très formelles, souvent de couleur unie, mais jouant sur la texture. (Assez étonnement, je possède moi-même une cravate dans ce gout, de couleur bordeaux, de chez Turnbull and Asser). Ensuite, des cravates fantaisistes, souvent à ramages, mais jamais de cravate en tricot, ni de polka dot tie[xvi] et encore moins de cravate à motifs.

Plus largement, Brett Sinclair est un champion du foulard, porté en de nombreuses occasions. Noué façon cravate ou simplement noué autour du cou, avec une chemise ouverte, avec ou sans veste. Il ose même, le temps d’une soirée à domicile, le foulard sombre sur chemise blanche à jabot, avec veste de velours verte foncé. Face à une cravate souvent formelle, le foulard est certainement la pièce exprimant le mieux l’humeur du personnage. En revanche, il ne porte jamais de pochette, contrairement à Roger Moore à la ville.

Autre point crucial : Brett Sinclair choisit des couleurs assorties à sa carnation et à ses cheveux. Même sa voiture met en avant son teint. Cela explique le choix récurrent des couleurs à base de brun, y compris dans des configurations peu communes, comme on l’a vu sur certaines vestes. Là encore, un bon réflexe à adopter en allant voir son tailleur !

Enfin, quelques éléments vestimentaires plus anecdotiques parsèment la série : une veste de marin blanche, une tenue de lord, couronne comprise, une tenue d’équitation à veste chocolat ou encore une veste d’intérieur bleu-roi à parements noirs, portée en camping[xvii]. Effet garantie si vous campez dans votre domaine de chasse solognot, peut-être un peu moins dans un camping municipal languedocien. Encore que : la grande leçon de notre héros n’est-elle pas, au fond, de porter ce que bon lui semble quand bon lui semble, persuadé que son sens du style et de l’humour suffisent à parfaire son élégance. La confiance en soi, voilà la leçon magistrale, et à la portée de toutes les bourses, à retenir de notre héros de la semaine.

Crémerie/Poissonnerie, tous les Build Order !

[i] Il est très facile de trouver la série dans sa version française intégrale sur Youbube. Attention, l’ordre des épisodes est celui diffusé en France, qui ne correspond pas, sauf pour le premier, à l’ordre officiel de la série.

[ii] Ces derniers étant coupés par Ciryl Castle, tailleur ayant travaillé pour la série « Le Saint » et qui travaillera pour quelques épisodes de James Bond avec Roger Moore

[iii] Décrite et illustrée sur l’excellent blog Bondsuits : https://www.bondsuits.com/the-persuaders-burma-dinner-jacket/

[iv] Décrite et illustrée sur l’excellent blog Bondsuits : https://www.bondsuits.com/the-persuaders-the-striped-blazer/

[v] Pour en savoir plus sur ce blazer façon cardigan, voir ici de nombreuses précisions et illustrations : https://www.bondsuits.com/the-persuaders-the-cardigan-blazer/

[vi] Précisons que ce travail repose sur le visionnage des vidéos intégraux de la série. La qualité des images disponibles ne permet pas toujours de préciser les détails notamment des tissus. Ainsi, il est possible que plusieurs costumes bleus, de coupe proche, cohabitent dans la série.

[vii] Voir ce costume en détail ici : https://www.bondsuits.com/the-persuaders-a-more-conservative-charcoal-three-piece-suit/

[viii] Décrit ici et fort bien illustré : https://therake.com/stories/style/week-channelling-lord-brett-sinclair-persuaders/ ou encore ici : https://www.bondsuits.com/the-persuaders-a-sporty-striped-suit/

[ix] Pour en savoir plus (en anglais) sur ce costume inspirant : https://www.bondsuits.com/the-persuaders-high-buttoning-green-suit/

[x] Décrite et illustrée ici : https://www.bondsuits.com/persuaders-tweed-norfolk-suit/

[xi] Id/ https://www.bondsuits.com/the-persuaders-roger-moores-black-velvet-dinner-jacket-for-an-intimate-affair/

[xii] Décrite et illustrée ici : https://www.bondsuits.com/persuaders-suede-safari-jacket/

[xiii]On pourrait croire à un manteau fait pour un chasseur sur le perron d’un grand hôtel. Il apparait ici en fin d’article : https://www.bondsuits.com/the-persuaders-the-cardigan-blazer/

[xiv] Voir, à ce propos, l’excellent article de ce blog : https://stiff-collar.com/2021/09/28/le-poignet-napolitain/

[xv] Voir ici de nombreuses illustrations : https://www.bondsuits.com/roger-moores-peak-lapel-suit-on-the-dick-cavett-show/

[xvi] Voir, à ce propos, l’excellent article de ce blog : https://stiff-collar.com/2018/03/12/la-cravate-a-pois/

[xvii]Parmi les pièces moins portées figurent aussi une veste d’intérieur à motifs cachemire, quelques polos dont l’un couleur jaune poussin, un blouson façon forestière noir à parements blancs, un beau pyjama rayé, un peignoir bleu roi avec large initiales sur la poche poitrine et un autre à la manière d’un tartan, clin d’œil aux origines écossaises de la famille, à fond rouge…

Belle et bonne semaine.

Crémerie/Poissonnerie, tous les Build Order !

Chers lecteurs, rien à voir avec cet article, mais pour la boutique des Pantalons, je suis à la recherche urgemment d’un vendeur pour le samedi ! Profil jeune homme, dynamique, aimant le contact et sachant sourire, avec expérience dans la vente. Ou sans? à voir. Premier jour dès le samedi 23 octobre. CV et motivation rapide à ce mail > contact@scavini.fr

Wall Street

Voir des films au ralenti pour en extraire de belles tenues et les commenter devient habituel sur Stiff Collar, à la faveur des confinements qui donnent… du temps ! Récemment, je suis tombé à la télévision sur Basic Instinct que je n’avais jamais vu. Michael Douglas + looks années 90, il n’en faut pas plus pour m’épater et m’appâter ! J’ai commencé un mini cycle le soir, avec Liaison Fatale puis La Guerre des Roses. Quel plaisir. Évidemment, en cherchant dans la filmographie quels autres films regarder, j’ai trouvé Wall Street… ahhhh Gordon Gekko ! Un des meilleurs vilains du cinéma. On finit toujours pas oublier l’autre « noob » qui voulait grimper au sommet en refilant des tuyaux éventés. Et on retient involontairement le grand capitaliste aux bretelles éclatantes. On finit hypnotisé par cet avide personnage, reflet et résumé de son environnement. L’ère Reagan à son apogée. Un plaisir filmique, à voir et revoir ! On pourrait presque dire qu’il n’a pas pris une ride nonobstant une qualité d’image très variable et souvent médiocre.

Justement, l’autre « noob » , le film commence avec lui. Charlie Sheen est Bud Fox, petit agent de change qui harcèle quotidiennement des petits-porteurs au téléphone pour refiler ces titres XYZ. Le métier a du bien changer ! Ses costumes n’étaient pas terribles, mais ils avaient pour moi l’immense qualité d’être… à sa taille et pas lugubres comme aujourd’hui. Croisé gris clair fil-à-fil, droit anthracite à discrètes rayures craie. Bud Fox Fox porte des costumes fait pour vivre dedans. Pas des armures étriquées comme maintenant. Il est l’aise. Je remarque sur la deuxième image l’épingle pour tenir sa cravate. Je soupçonne que cela soit un pin’s. C’était courant dans les années 90 les pin’s . Son pote de salle des marchés porte une chemise aux rayures marron… espacées !

Dans le film, Bud Fox va à peine évoluer. Michael Douglas en Gordon Gekko lui dit au début du film d’aller s’acheter « des costumes décents« . On ne se rend pas tellement compte d’une évolution toutefois. Quatre choses ont retenu mon attention. Il se met aux chemises à col blanc, il adopte les bretelles voyantes de Gekko, ses cols de chemise sont plus variés (rond ou cut-away, et non plus boutonné) et ses épaules s’élargissent un peu.

Cette chemise à col blanc et rond, on l’a voit en gros plan un peu plus loin dans le film. Le tissu n’est pas uni rose, mais avec des rayures un peu à l’ancienne, très estompées.

Un peu enrichi par la situation, il arrive « à lever une poule de luxe ». Alors il s’habille smart décontracté. Tout un style les années 90.

D’ailleurs, en voilà d’autres des styles des années 90. Ça pique les yeux ! Ce cardigan over-size en pied-de-poule, hum… ! On parlait déjà des robots serveurs à l’époque.

Bud Fox va devoir suivre un magnat anglais des affaires, Terence Stamp jouant Sir Larry Wildman. Un personnage chic dont on aimerait voir plus que quelques bribes stylistiques. Il semble porter un costume croisé en prince-de-galles gris façon Steve MacQuenn dans dans l’Affaire Thomas Crown. Motif qu’il décline une veste droite. Du prince-de-galles pour un anglais, c’est subtil vous trouvez pas?

Cela dit, de Sir Larry Wildman, ce que j’ai le plus retenu, c’est sa Bentley S3… Une merveille mécanique qui joue encore un peu les stéréotypes, surtout avec les pneus à flancs blancs. Fin 80, c’est un véhicule assez out-dated, mais cela renforce l’idée de respectabilité du personnage. L’est-il tellement…? Oh… quelle beauté !

Passons sur un dernier personnage annexe avant d’attaquer le vif du sujet, un des agents de change de la bourse, avec son charmant papillon porté avec un col boutonné. J’adore.

Et passons à Gordon. Ce bon Gordon, qui ridiculisera son personnage dans la suite du film sortie en 2009. A ne pas voir. Quelle allure ce Michael Douglas ! Et quel charme. Large cravate médaillons, col blanc mais pas les poignets, pantalon à double pinces, et bretelles aux attaches de cuir blanc. Quelle chance il a de toujours avoir la même chevelure à presque 80 ans !

Ces fameuses bretelles, elles caractérisent beaucoup le personnage. Elles sont d’un confort particulier, n’importe quelle amateur le dira. C’est un confort pour le pantalon, mais un maintien particulier pour le corps. Et justement Gordon Gekko est particulier. La costumière Ellen Mirojnick va beaucoup insister sur les bretelles. Et ce gimmick va avoir une telle influence dans le monde que cette allure va s’ancrer dans l’esprit collectif. Voilà l’accessoire du financier honni. C’était le haut de forme au début du siècle.

Notez que même le bébé de Gekko porte des bretelles. Ce n’est pas anodin :

Dans cette scène, j’ai noté le pantalon, laine lin et soie gris. Complètement par hasard, c’est presque le même tissu vintage que j’ai choisi pour ma propre collection de cet été.

Le financier a les moyens. Il multiplie à la différence de Bud Fox les tenues et les motifs. Notez dans cette scène de restaurant les rayures horizontales de sa chemise :

Et ce somptueux costume droit aux revers en pointes et large rayure. Je remarque aussi que les vêtements de Gordon Gekko jouent beaucoup plus sur les contrastes. Les couleurs sont franches et opposées, là où Bud Fox porte des camaïeus beaucoup plus sourds. Même au sport. Gekko, c’est noir et blanc. Bud Fox, grisouille.

Si la chemise rose rayée en haut est simple, celle juste en dessous est plus osée, vichy à col blanc !

Allez, trêve d’analyse. Pour le plaisir, d’autres photos à l’envie… ! Coupes, couleurs, motifs, admirez le travail !

Justement ce travail, à qui le doit-on? La costumière Ellen Mirojnick fut aidée dans sa tâche, ultra pointu, masculine et opulente, par un grand prêtre de l’élégance masculine, l’auteur Alan Flusser. Il est cité dans les remerciements. Où l’on apprend également un peu plus sur l’origine des vêtements.

Avant de se quitter, un dernier regard vers Gordon, le col de chemise parfaitement pincé par une belle agrafe en or.

Belle et bonne semaine, Julien Scavini

Hercule Poirot, le Roi de Trèfle

Le 12 mars 1989, la chaine de télévision anglaise iTV diffusait le 9ème épisode de la saison 1 d’Hercule Poirot avec David Suchet, basé sur une nouvelle d’Agatha Christie de 1923. Poirot et son associé le capitain Hastings sont invités sur le tournage du prochain film de Bunny Saunders, un ami réalisateur. Le directeur du studio, Henry Reedburn, devient très vite le centre d’intérêt de l’épisode. Il est infect et ne salut même pas Poirot. Que va-t-il se passer? Comme d’habitude, cette production est d’un excellent niveau en ce qui concerne les vêtements. Ce directeur justement, il porte un costume trois pièces, bleu nuit à très fortes rayures craies. Le gilet est droit, le col de la veste en pointe et le pantalon généreusement opulent. Très joli nœud-papillon aux motifs cubiques :

Quelques instants plus tard, après s’être disputé avec l’actrice, il en vient au main avec son acteur principal, qui a comme principal défaut celui de « taper dans la bouteille ». Il ressemble beaucoup à Errol Flynn. Les gardes du studio ramènent le calme. Impeccables tenues de tous les côtés. Les gardes n’ont pas de poches en bas de la veste. Juste des poches à la poitrine. Intéressant !

Poirot et Hastings sont arrivés sur le plateau pour observer le tournage. Si le détective belge est toujours sur son « 31 », le capitaine lui aime les ensembles un peu plus sport, qui vont bien avec sa voiture coupé cabriolet. Le pull coll roulé est du type « arran » avec ses larges torsades. Le trench-coat en cuir a beaucoup d’allure, mais n’est plus très à la mode depuis François de Grossouvre.

Les évènements s’enchainent. Le Prince Paul de Maurania qui est intime de l’actrice principale appelle Poirot dont il est ami. Les choses tournent au vinaigre au studio. Si la chambre est le décor le plus ringard qui soit ( on s’étonne d’ailleurs d’une telle économie stylistique ), la robe de chambre est très belle. Je n’arrive pas clairement à voir si elle est boutonnée en plus de la ceinture.

Puis que l’on est aux robes-de-chambre, regardons celle du majordome qui ouvre à la police sur le lieu du meurtre présumé. Simple opposition de marine et de rouge avec passepoil bicolore. Superbement simple, superbement suffisant :

Poirot et Hastings mènent l’enquête. Le premier n’a guère changé de tenue depuis la veille : manteau sous les genoux, camouflant un costume trois pièces gris souris, veste trois boutons col pointe et gilet croisé. Hastings lui a troqué l’ensemble sport contre le croisé à fines rayures recouvert d’un imperméable raglan. Remarquons la cravate et le papillon qui apportent une heureuse touche de couleur.

La police en la personne de l’inspecteur Japp mène aussi l’enquête auprès du voisinage. Un père et son fils en tweed, façon gentry convenable. Le fils a une chemise ivoire. Le père blanche à col rond, probablement un faux col dur, à l’ancienne mode, là où le fils a choisi la modernité du col mou. Japp porte aussi le faux col dur. Sa cravate étriquée renvoie certainement à l’étroitesse d’esprit du personnage.

Les deux limiers interrogent Bunny Saunders qui était dans les parages. Tiens tiens… Il porte aussi le trench en cuir. Noir qui plus est. Tout un style. On ne l’aperçoit que peu de temps, il porte des chaussures bicolores noir et blanc, ce qui rajoute au tapage visuel.

En deux coups de cuillère à pot, Poirot résout l’affaire, qui n’est pas, il faut l’avouer, la meilleure que l’on ait pu voir. Toutefois, cet incroyable sweater porté par le réalisateur est si dingue que l’on oublie bien vite l’intrigue. Et comme les pantalons étaient à la taille haute, les pulls étaient en conséquence courts. Superbe impression visuelle.

Tout est bien qui finit bien. Le Prince retrouve le sourire et il remercie chaleureusement le bon détective qui a sauvé son honneur et celui de sa dulcinée. Hastings est revenu à un ensemble plus sport, blazer et pantalon gris. Ce petit foulard autour du cou ne va pas tellement avec cette criarde pochette rouge. Mais qu’importe, on ne voit pas cela, car on est tout ébloui par le gros blason brodé sur la poitrine !

Enfin, n’oublions pas de citer l’étonnante villa moderne « High and Over » située à Amersham, qui comme dans beaucoup d’épisodes, joue un rôle principal :

Belle et bonne semaine. A bientôt. Julien Scavini

Gatsby Le Magnifique, Part. 3

Si j’ai eu grand plaisir à extraire du film Gatsby cette foule d’image, il en va autrement de mon appréciation du film. Je l’avais vu il y a plusieurs années sans en garder un souvenir impérissable. Ce n’est pas pour moi l’apothéose du cinéma. La faute je pense à une histoire simple et pas évidente à matérialiser à l’écran. A l’écrit, le suspense sur le personnage principal demeure puis l’action se déroule avec un certain rythme. Filmé, tout le mystère s’évapore dans une débauche d’effets visuels.

L’écueil fut le même avec le film de  Baz Luhrmann en 2013. DiCaprio ne suffisait pas à rendre l’histoire palpitante. Malgré une débauche extravagante de moyens techniques. J’ai peu aimé les deux films, d’autant plus qu’au fond l’histoire est sinistre et que les films laissent un goût de cendre dans la bouche. En plus, dans le plus récent opus, si les femmes étaient intéressantes par leurs costumes, pour les hommes, ce fut loin d’être le cas, la faute à une allure chiche que l’on aurait pu croire sponsorisée par Tati. Franchement, DiCaprio, avec ses costumes ivoire et ses souliers en simili fabriqués à Roubaix, manquait tout simplement… de goût. Ce qui n’aidait pas.

Vous me direz alors, pourquoi ces deux gros articles si le film n’en vaut pas la peine ? Eh bien je ne sais pas trop. Ralph Lauren a fait un travail formidable, je le redis. Visuellement, c’est superbe. Cette grande allure distillée à chaque image supporte tout le film, et l’histoire même. Le film vaut le détour pour ça.

Mais en même temps comme dirait le Président, je ne peux m’empêcher de penser à la fausseté des habits. Si l’impression générale est délicieusement surannée, les visuels particuliers n’ont rien de 1925, n’ont rien d’authentique. Tout sent affreusement le kitsch des années 70. On pourrait voir apparaitre Nixon à l’image et une Cadillac Eldorado, que l’on serait à peine choqué. Dès lors je trouve plus de charme à un bon vieux Columbo plutôt qu’à ce Gastby.

Comme je l’avais dit pour Titanic, un costumier n’est pas obligé d’être dans l’époque de manière authentique. Son but est de donner une impression, une couleur visuelle au film. Il ne fait pas un travail d’archéologie. Je le concède mille fois. Mais dans ce Gatsby, il y a peut-être à l’inverse trop de Ralph Lauren. C’est presque une démonstration de style, une démonstration de son savoir et de ses possibles. En cela, Hercules Poirot sous le soleil dont j’ai parlé ici était presque plus authentique. 1970 aussi, mais plus authentique.

Car peut-être, l’esthétique visuelle de Ralph Lauren dans ce Gatsby est trop apprêtée, trop stylisée. Trop cuite et recuite. Il manque un petit côté boiteux, mal fichu, ridicule, pour faire ressortir le beau. Tout est trop sur le même ton. Tout est trop léché. Peut-être au fond, faudrait-il qu’un réalisateur porte un Gatsby à l’écran avec moins de moyen, moins de tapage, pour en faire plus ressortir l’essence, celle d’une société américaine depuis longtemps malade d’elle-même, malade de son ivresse de puissance et de réussite. Malade aussi de sa misère et de la déliquescence de ses mœurs malgré une façade toujours ripolinée. Malade enfin et surtout de son argent facile.

Il y a tout ça dans Gatsby à l’écrit. Pas seulement des fêtes et des vêtements. Ce que les deux films n’arrivent pas à faire ressortir avec force.

Gatsby de 1974 est un bon film. Peut-être un grand film. Un grand classique, en revanche probablement pas. C’est un film d’époque. Qui comme tout les films d’époque s’est fait doubler par un remake. Imagine-t-on un remake à Autant en emporte le vent ? Probablement pas. Et encore moins d’ailleurs depuis sa partielle censure.

Gatsby fut un divertissement fait pour en mettre plein les yeux. Et il a réussi parfaitement.

Bonne semaine, Julien Scavini


PS : Je me suis amusé pour le plaisir à imaginer un autre Gatsby, et un autre Nick Carraway, avec une différence d’age plus marquée. En 1925, les lignes du costumes contemporaines sont là. Les pantalons sont un peu larges et mous, sans pince. Les vestes sont une peu longues et molles aussi. Les plus dandys demandent des épaules très étroites (dites rentrées) à leur tailleur. Les années 30 apporteront définitivement l’idée d’une ligne et d’une allure, qui n’existe pas encore.

Les couleurs sont plus sombres que ce que laisse croire Ralph Lauren. Je me suis inspiré de photos d’époque, plus précisément de Calvin Coolidge, Président des USA de 1923 à 1929, pour dessiner les deux hommes.

Version été. Version hiver. Gatsby porte un faux-col, ce qui me semble plus juste. Nick un col boutonné mou, déjà à la mode aux USA.

Gatsby Le Magnifique, Part. 2

La semaine dernière, j’avais l’occasion de vous faire découvrir une belle et importante volée de photos sur le Gatsby de 1974. Continuons ce soir ce tour d’horizon grand format.
Pour commencer, quelques photos sans vêtement, simplement avec l’humeur du film. Quelques plans telles des peintures. C’est tout le charme de ce film, d’être composé comme une succession de tableaux exquis.

Avant de m’intéresser au personnage presque principal du film, Nick Carraway, faisait un petit détour par le personnel de maison, serviteurs, valets et cuisiniers. Le tenues sont tout à fait charmantes et pleines d’humeur ! Le gilet rayé horizontal jaune et noir, comme Nestor dans Tintin, est toujours et encore là. La queue-de-pie est légèrement incongrue il me semble. D’autant plus que le pantalon apparait gris. Une jaquette sera plus logique, de jour et avec la cravate noire. En même temps pour avoir fouillé un peu le sujet, il semble qu’à Buckingham Palace, la queue-de-pie à boutons dorés soit en usage le jour. Avec un pantalon noir toutefois.

Un petit peu en dessous, admirez le spencer blanc, boutonné d’une chainette argenté. Très élégant, d’autant que le pantalon monte bien haut. Les serveurs au buffet, quant à eux, portent des spencers croisés jamais vu mais tout à fait intéressant !

Passons aux cuisines du bon Gatsby. Dans les années 70, la cuisine française très traditionnelle était l’objet d’un culte immodéré de l’autre côté de l’Atlantique. Alors qu’ici apparaissait la « Nouvelle Cuisine », aux Etats-Unis, la bonne cuisine, la vraie, la franche était incarnée à la télévision par des personnages tels Julia Child ou encore le chef Jacques Pépin. Une cuisine où la crème et l’envie de flamber au cognac est très présente. Un imaginaire à la Escoffier délicieusement transcrit sous l’œil des caméras.

Une petite pensée pour l’élégance des deux orchestres de la fête organisée par Gatsby. Oui, deux orchestres à la même soirée ! Diantre. L’un en smoking bleu, l’autre en queue-de-pie blanche, façon Cab Calloway.

J’ai bien aimé par ailleurs le chauffeur qui apporter un poulet à Nick Carroway. Superbe livrée :

Nick Carroway qui reçoit par ailleurs moult attentions de son prestigieux voisin. Jardinier et fleuristes viennent à son secours. J’aime les tenues des fleuristes, casquette, papillon noir, chemise à poches, ton sur ton du pantalon. Simple et digne. Si chic pourtant.

Pour les lectrices, je mets quand même une femme à l’honneur, la femme de chambre, à l’habit parfait !

Enfin, passons à Nick Carraway. Jeune homme de la petite bourgeoisie, cousin éloigné de l’héroïne féminine du film, il est le spectateur narrateur de l’histoire. Habitant une merveilleusement petite maison de bois au bord de l’eau, il découvre son éminent voisin, Gatsby, et devient le témoin clef de sa vie, du moins de cet instant fugitif et frénétique de sa vie. Nick est un personnage secondaire du film. Pourtant le jeune Sam Waterston, 34 à l’époque, donne au personnage, plutôt insignifiant, une force qui lui fait transpercer l’écran. Caractère candide et suiveur, timide, Nick Carraway suit et subit les évènements. C’est le calme dans cette tempête de quelques jours. Il n’incarne pas les années folles. Il les subit avec calme. Et ses tenues, plus décontractées, plus détachées de la mondanité, le reflète.

Commençons toutefois par ce costume trois pièces blancs, très habillé en apparence. Mais qui pourtant dissimule quelques éléments décontractés, comme les poches plaquées et la martingale dos. Un chic délicieux.

Il porte en quelques autres occasions le costume, brun, beige ou marine. Les cravates à motifs « paisley » sont merveilleuses. Ses cols sont maintenus par une épingle dorée.

Charmant blazer par ailleurs, avec pantalon blanc. Prêt pour prendre la mer !

Trois gros plans ensuite. Au dos du pantalon de Nick, une poche à rabat d’un côté, une poche simple de l’autre. Toujours et encore de belles cravates et une sublime chemise jaune rayée blanc.

Puisqu’on est sur les pantalons, voyez le modèle ci-dessous, à patte prolongée, de la même manière que sur mon modèle S3. Eheh je ne l’ai pas inventé, beaucoup le font. J’avais bien vu dans un vieux film une telle attache. Mais je ne me souviens plus où. Voici une référence efficace. Admirez ce cardigan par ailleurs. Le col est … présent !

Nick Carraway, plus décontracté, met aisément des mailles, encore très vêtement de « pêcheur » à l’époque, Gabrielle Chanel est à peine en train de les prendre pour les femmes et les hommes en 1920, surtout dans la bonne société, n’y font guère appel. Le premier modèle, un pull sans manche flaire bon le cachemire. L’encolure superposante est intéressante ! Le col rond en dessous est très beau dans sa simplicité par ailleurs. Admirez enfin les chaussures bicolores. Quelle beauté !

Notez aussi la robe de chambre en coton, si simple et si fraiche !

Mais hélas, comme souvent les grandes histoires, la fin n’est pas heureuse. C’est le destin qui frappe, souvent sans prévenir. Nick Carraway enfile alors sont élégant costume sombre. C’est là que je me dis, que décidément, les vestes longues, c’est superbe et plein d’allure !

Voilà, c’est terminé pour ce grand tour d’horizon de Gatsby. Enfin, pas tout à fait terminé. La semaine prochaine, on en reparle, et plus généralement des années 70. Je vais tenter une petite mise en perspective du sujet par rapport à aujourd’hui ! Portez-vous, c’est important ces temps-ci.

Bonne semaine, Julien Scavini

Gatsby Le Magnifique, Part. 1

J’ai pris goût à décortiquer scènes après scènes les films élégants, depuis Titanic pendant le confinement. Mais quel travail toutefois ! Avec un client récemment, nous parlions de Gatsby Le Magnifique. Pas le film récent avec Léonardo DiCaprio. Non. Mais celui de 1974, réalisé par Jack Clayton, sur un scénario adapté par Francis Ford Coppola, avec comme acteur principal, Robert Redford. Quel film ! Je l’ai vu il y a longtemps, et j’en avais gardé un souvenir douçâtre. Beau certes, mais triste, mélancolique, en un mot difficile. Certes le roman de F. Scott Fitzgerald narre une fête permanente, la joie des années folles. Mais l’intrigue et le fond de l’histoire sont sombres et amers. Ce n’est pas tellement un film à regarder à la légère, à la différence du dernier opus, bien plus tapageur. Là, nous sommes dans l’introspection, l’exploration des mentalités de la haute société et son désœuvrement. Et dans l’amour surtout. Des uns pour les autres, et … des belles choses ! Une apothéose visuelle. Attention, j’ai pris une centaine de clichés haute définition. Alors attachez vos ceintures. Je vais distiller cet article en deux épisodes.

Évidemment, la question que tout le monde a sur les lèvres d’abord. Et Ralph Lauren ? Oui, oui, Ralph Lauren a bien réalisé les costumes masculins. Il est d’ailleurs dûment crédité au générique, voyez ci-dessous. Il faut mentionner que la costumière « en chef » Theoni V. Aldredge a reçu un Oscar de la meilleure création de costumes. L’intitulé du générique laisse penser que Ralph Lauren a pensé les costumes également, comme le suggère la mention « by » alors que pour les femmes, « wardrobe et hats », il est écrit « executed » laissant penser alors à une simple exécution sur commande.


Rappelons qu’en 1974, Ralph Lauren était tout jeune. J’avais fait sa biographie ici. « 1970 marque le début de la consécration, lorsque le grand magasin Bloomingdale’s propose à Ralph Lauren d’ouvrir son propre corner, une première ! […] En 1971, à l’occasion du lancement d’une collection de chemisiers pour femme est introduit la broderie devenue célèbre, le petit joueur de polo, à l’époque placé sur les poignets. En même temps est ouverte sa première grande boutique en propre, sur Rodéo Drive à Beverly Hills. » Donc presque au moment où doit débuter la pré-production du film. Une aubaine en terme d’image de marque !

Son esthétique colle parfaitement au film, voyez ces initiales blasonnées sur les accessoires du film.

Démarrons, par le générique, qui pose le décor, avec envie. La maison, imitation du Trianon de Versailles, a été construit en 1909 par la famille Oelrich. Elle se situe à Newport, Rhode Island. Plus précisément au 548, avenue Bellevue, Rosecliff.

Passons en revue maintenant les personnes. Commençons par Bruce Dern, jouant Tom Buchanan. Personnage patibulaire. Le diaporama vous permet de faire défiler les photos. D’abord son costume d’apparence gris, dont on découvre qu’il est en pieds-de-poule noir et blanc. La chemise semble rayée de vert. Je regarde avec plaisir son blazer croisé 8×4, très old-school. Son col de chemise arrondi est toujours attaché d’une épingle en or. Dans les dernières scènes, avec le costume gris perle uni, c’est la cravate qui passe en pieds-de-poule. A la toute fin du film, son manteau croisé présente un col de velours. Prêtez attention à sa robe de chambre, sublime avec ses motifs « paisley« .

Passons ensuite à Gatsby, joué par Robert Redford. Personnage énigmatique, il apparait doucement dans le film. J’ai d’abord remarqué le gilet du smoking, réalisé dans une soie jaquard, avec une texture donc. Intéressant.

Passons ensuite à la première scène en costume plus simple. Enfin simple… sublime rayure, cravate aux discrets motifs, pour un ensemble noir et blanc rutilant. Comme l’automobile !

Arrêtons-nous un instant sur l’automobile. Je l’avais dessiné il y a longtemps. Un amateur éclairé de mes clients, et amis, m’avait juré qu’il s’agissait d’une Duesenberg d’Indianapolis. Je pense cela assez logique. Plus américain. Pourtant, dans le film, c’est bien une Rolls-Royce. J’ai perdu un pari sur cette affaire.

Passons ensuite au costume crème. Ralph Lauren semble avoir sélectionné de la flanelle. Ou un mélange lourd avec de la soie. Lin et soie probablement, avec peu de froissage. Le personnage a chaud, le film donne chaud. Son atmosphère déliquescente passe merveilleusement à travers les visages de sueur des acteurs. Quelle grande allure tout de même ! Le gilet croisé est coupé sans « trapèze » des boutons, ceux-ci sont parallèles.

Puis vient le célèbre moment où les sublimes chemises aux tons pastels virevoltent dans les airs. Quel charme. Quelle fantaisie aussi, au fond. Je regrette que les cols, toutefois, soient attachés. L’époque était encore aux cols durs, les « stiff collars ».

Quelques autres scènes nous présentent un Gatsby plus simple. J’aime beaucoup le pantalon de lin blanc rayé marine. Mais la ceinture en cuir blanc me laisse songeur.

Dans une scène, Gatsby semble porter une veste en velours à col châle. Tout simple, sans effet ni tapage.

A la différence de ce costume rose, « quintessential » disent les anglais. Oui, une apothéose. Pas facile à porter toutefois de nos jours. Avec la cravate grise, modératrice, l’écueil de faire trop est évité.

A la fin du film, je note avec envie cette sortie-de-bain, on dit aussi peignoir, gansée d’une tresse bi-colore et aux initiales brodées. Superbement chic !

Arrêtons nous un petit instant sur les queues-de-pie. Les années 20 sont encore assez reculées. La queue-de-pie n’a trouvé sa norme finale, telle que nous la connaissons, que dans les années 30, voire 50 où elle est devenue très normée. Le film devrait donc montrer des queues-de-pie encore un peu 1890, avec des trottoirs, c’est à dire des revers en deux parties, satin + tissu. Les revers pourraient être très ronds sur certaines. Les bas de manche parfois avec un galon horizontal, etc. Pourtant, il n’est est rien. Elles sont, comme dans Titanic, très standardisées. D’ailleurs Gatsby a la même que Nick, pourtant bien moins riche. Les pantalons ne montent pas assez haut, et les gilets sont trop bas. Cela manque de quelque chose. Raph Lauren a du s’en rendre compte et pour donner du relief, il a affublé les personnages de chemises curieuses … avec un plissé, typiquement post seconde-guerre mondiale. Voire années 70. D’ailleurs, les chemises ne semblent pas à col cassé. Tout cela est une touche artificiel.

Le gilet de Gatsby semble en jaquard de soie là encore, un peu façon peau de requin. Amusant. Le personnage de Nick a peut-être l’ensemble le plus classique, chemise à plastron dur et col bien haut, gilet simple.

Pour finir ce soir, quelques vues générales du film. Une splendeur qui fait très vite oublier des minuscules défauts. Qui n’en sont pas d’ailleurs. 1- Amusante veste de régate. 2- Exquis panorama au golf. 3 & 4- l’agent de change avec son « stroller », l’équivalent plus simple de la jaquette, mais à veste rayée (ce sont des américains, ils ne savent pas les pauvres). 5- le bureau de Nick à New-York. 6- Le grand escalier, cette contre-plongée, quel plan ! 7- Petit cours d’escrime ; l’arbitre est d’une grand dignité. 8 & 9 – notre belle petite assemblée aux tons pastels.

Et pour finir, ce plan. Quel plan ! Une vraie publicité. Il en a eu de la chance Ralph Lauren d’être tombé sur un si gros coup de pub !

On se revoit la semaine prochaine, pour continuer l’épluchage de film, et surtout découvrir la sublime garde-robe, la meilleure peut-être, celle de Nick Carraway joué par le talentueux Sam Waterston.

Bonne semaine, Julien Scavini