La suite d’une veste 2/3

L’école est encore calme quand j’arrive:IMG_0703

Nous en sommes donc restés à la presse des plastrons, qui ont séchés toute la nuit: IMG_0707

A cet instant, nous débutons la mise sur toile, à savoir le positionnement du lainage sur les plastrons. Nous commençons par poser sur la table les plastrons, avec son bombé de poitrine vers le haut, puis nous positionnons le lainage, en raccordant les tracés à la taille et sur le revers, pour qu’ils correspondent:IMG_0724Les deux ensembles sont alors bâtis plusieurs fois, notamment sur l’œuf de tailleur, ce qui clôt la mise sur toile! Passons à la poche poitrine, qui serra la seule poche crantée de cette veste, la poche de côté étant plaquée. Cranter la toile signifie y faire une découpe pour loger une  poche notamment. La poche poitrine débute toujours par le façonnage de son rabat, une petite pièce de tissus remplie de bougran (toile dure de coton):IMG_0734La poche est maintenant finie, et nous pouvons suspendre le veston pour la pause. A cet instant nous découvrons un revers qui tombe, n’ayant aucune rigidité:IMG_0739

La prochaine étape sera le piquotage du revers. Le terme n’est pas dans le dictionnaire mais exprime le fait de coudre au point de chevron les plastrons qui dépassent sous le revers avec le revers en lainage, en traversant celui-ci sans qu’il se voit sur l’envers, sur l’extérieur. C’est donc une opération assez délicate! De plus, le point de chevron a cette particularité de créer un différentiel de tension, un potentiel dirait-on en électricité. Ce potentiel est à l’origine du roulé tailleurs, cet effet du revers qui roule, qui n’est pas pressé. Sa tendance naturelle à tourner vers l’extérieur confère une réelle esthétique à un costume, signant sa façon de grande mesure qu’il gardera à vie: (photo à l’envers, haut du revers vers le bas)IMG_0744

Maintenant que le piquotage est terminé, il ne reste plus qu’à susprendre à la verticale le devant de veste et à admirer. Cette fin de journée sera propice pour réaliser les poches intérieures dans le lainage de parmenture, qui sera rabattu demain.IMG_0750

Les débuts d’une veste

Un mois et une semaine maintenant que j’apprends patiemment le métier d’apiéceur à l’AFT, et déjà mon troisème devant gauche de veste prend forme! Je suis tout à fait satisfait du rythme que l’on nous impose. L’occasion aussi de raconter par les images la façon d’une veste. Si d’aventure vous vouliez plus de photos, de meilleures qualités, n’hésitez pas à demander, il y aura d’autres vestes!

Tout commence par un bon décatissage de la laine que nous allons travailler. Au cours de cette opération, le lainage est déposé sur la table de presse, en double épaisseur, endroit contre endroit. Nous faisons attention à replacer les lisières (bords des lainages) les unes sur les autres et à reformer le pli marchand (pli résultant du pliage en deux des lainages sur les bobines). Puis application d’une patte mouille et pose du fer (de la presse) quelques secondes, pas après pas… la vapeur se dégage, la laine se rétracte, ce qui est indispensable pour travailler ensuite la laine correctement:IMG_0679

Ensuite, nous passons au dessin à plat de la veste. Nous nous servons de gabarits, taillés pour une mesure 44 (petit modèle donc). Après le détourage à la craie, nous découpons les laines, puis les piquons au fil de bâti:IMG_0654A ce moment, nous surfilons les bords arrières et la pince du veston avant. Puis nous réalisons la pince (fermeture de l’espace laissé vide à la taille sur l’image ci dessus). Puis nous assemblons le lainage avant avec le petit côté: IMG_0695

Le tissus de la veste que vous voyez ci dessus est un chevron noir et gris, provenant du grenier de M. Camps, qui a fait cadeau à l’AFT des lainages conservés par feu son grand père. Il s’agit en l’occurrence d’un tissu spécialement réalisé en écosse pour Camps dans les années 30. La photo en grand ICI.

Maintenant que les toiles avant sont réalisées, il faut s’occuper des toiles de plastrons. Pour donner du galbe à une poitrine et marquer ainsi la différence avec les produits tout plats du prêt à porter, il vous faut une chèvre, des moutons et un cheval… enfin les poils de ces animaux! plastrons

En A donc, la toile mère, en gros lainage cardé (très rèche). B, de la toile de laine de mouton et de chèvre. Elle sent particulièrement ‘la ferme ‘lorsqu’on la décati à la patte mouille. C, de la toile de crin de cheval qui est assez lisse. D, du crin de cheval aussi, mais coupé en biais pour donner de l’élasticité à cette pièce qui s’appelle la patte d’éléphant, rapport à sa forme. Elle épaule la clavicule. Enfin E est un morceau de ouatine qui sert à adoucir le contact entre la doublure et les toiles rêches du plastronnage. Elle est remplacée par un morceau de mohair fin pour les tenues d’été.

Après quelques menus opérations, on bâti les différents plastrons sur la toile mère, sur un œuf ou coussin de tailleur: IMG_0652IMG_0659IMG_0664

Maintenant que les étapes faciles sont réalisées, attaquons les chevrons de plastrons. Cette activité consiste à coudre des points de chevrons sur l’intérieur des plastrons pour leur donner un galbe, un bombé marqué. L’opération est quand même assez simple, mais très longue, vu le nombre de points. Les  points de chevrons ont la caractéristique d’être plus court sur l’extérieur que sur l’intérieur (qui présent une diagonale donc). Ainsi, on fait naître un différentiel de tension entre extérieur et intérieur… les points sont plus tendus à l’intérieur, ce qui fait bomber les toiles de plastrons.IMG_0677IMG_0684Ensuite, il faut passer une bonne demi-heure à la presse (au fer donc) pour finir de donner un galbe aux toiles. Et il s’agit véritablement d’un travail d’homme pour tirer comme un sonneur sur les toiles et les déformer… Un fer très lourd et une main très sérrée sont necessaires! Ne pas hésitez non plus à laisser le fer plusieurs dizaines de secondes au même endroit, pour bien faire sécher les épaisseurs:IMG_0689Si l’on commence à plat contre la demi-lune couchée (le morceau de bois rond), on finit en revanche sur l’oeuf:IMG_0692Ainsi les toiles prennent à vie une forme bombée, plus ou moins accentuée suivant le client… Demain, je réaliserai la poche plaquée (c’est une veste sport), ainsi que la mise sur toile (assemblage des toiles de plastrons avec le devant de la veste), les poches de garniture et le piquotage du revers, l’occasion de prendre d’autres photos…

Les grands tailleurs de Paris (en 1958)

La lecture d’un numéro d’Adam daté de Septembre 1958 m’a donné l’idée de retranscrire ce soir les noms et adresses des bonnes maisons parisiennes de l’époque, certaines existant encore, d’autres n’étant plus que d’heureux souvenirs.guarrin4

Voici donc la liste des tailleurs:

  • James Pile, au 27, rue Cambon
  • Roger Pittard, au 56, rue des la Boétie
  • Puissegur, au 7, boulevard de la Madeleine
  • Romain, au 5, rue Washington
  • Sigwald, au 8, rue Marbeuf
  • Marcel Lus, au 39, boulevard Malesherbes
  • Clément et Brunet, au 105, boulevard Haussmann
  • A Cristiani, au 2, rue de la Paix
  • Creed, au 7, rue Royale
  • Cumberland-Erik, au 57, avenue Franklin Roosevelt
  • Daric-Debacket, au 1, rue de Berri
  • Charley Harmaniantz, au 3, place de la Madeleine
  • Knize, au 10, avenue Matignon
  • Paul Portes, au 194, rue de Rivoli
  • Kriegck – Vauclair, au 23, rue Royale
  • Lanvin, au 15, faubourg Saint Honoré
  • Larsen, au 7, rue de la Boétie
  • Opelka, au 53, rue de la Boétie
  • O’Rossen, au 9, avenue Matignon

Pour les grands chemisiers maintenant :

  • Charvet, au 8 place Vendôme
  • David, au 32, avenue de l’Opéra
  • Doucet, au 21, rue de la Paix
  • Doucet Jeune, au 10, rue Halévy
  • Dominique France, au 58, rue Pierre Charron
  • Hilditch et Key, au 252, rue de Rivoli
  • Knize, au 10, avenue Matignon
  • Lanvin, au 15, faubourg Saint Honoré
  • Poirier, au 12, rue Boissy-d’Anglas
  • Sulka, au 2, rue de Castoglione
  • Washington Tremlett, au 244, rue de Rivoli
  • Boivin Jeune, au 10, rue de Castiglione

Et enfin pour les grands chapeliers :

  • Berteil, au 3, place Saint Augustin
  • Delion, au 14, faubourg Saint Honoré
  • Motsch et fils, au 42, avenue George V
  • Willoughby, au 7, rue de Castiglione
  • Gelot, au 12, place Vendôme
  • Leon, au 21, rue Daunou

Pleins feux sur Ede et Ravenscroft

S’il est une maison que les anglais connaissant bien, c’est Ede & Ravenscroft! Cette institution britannique est ancrée dans l’univers vestimentaire depuis 1689 et possède trois appointements en tant que fournisseur de la maison royale. C’est aussi elle qui fournit les vêtements cérémoniels du ministère de la justice, mais aussi  de nombreux collèges et autres parlements…

Ede et Ravenscroft, c’est une grande entreprise où l’on peut tout trouver, des maîtres tailleurs dans la tradition du bespoke, des propositions en mesure industrielle et aussi du prêt à porter. Ils sont présents aux quatre coins du royaume uni de grande bretagne.

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Leur collection de prêt-à-porter est tout à fait charmante, très britannique et je vous invite sincèrement à faire un tour sur le site internet et à télécharger le catalogue! Les prix ont l’air tenu. Ainsi, la tenue présentée en figurine est un costume croisé en flanelle Viceroy laine et cachemire (marron-gris) qui est fourni avec deux pantalons pour 695£. La chemise coûte quant à elle 85£.

Combien voulez-vous de poches?

Ce premier mois de cours à l’AFT m’a permis d’aborder l’ensemble des types de poches, d’en apprendre le montage, assez technique le plus souvent, et de parfaire mes connaissances sur leur histoire. Faisons-en le tour ensemble :

1- D’abord, la poche la plus simple, la poche passepoilée simple, sans patte (ou rabat). On la trouve exclusivement sur le smoking. Mais les stylistes contemporains trouvent amusant de la décliner un peu partout, surtout sur les costumes de ville où elle ne produit pas le meilleur effet à mon goût.

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2- La poche passepoilée à patte (à rabat). C’est le modèle canonique des poches de côtés. Elle peut être horizontale ou légérement biaise, en symétrie de chaque côtés du veston, et quelques fois sous sa forme homothétique de poche à ticket. Sa largeur conventionnelle est de 16cm et 5,5 de haut.poche2

3- La poche poitrine se présente sous la forme d’un petit morceau de tissus disposé de biais et rempli d’un bougran dur qui la rigidifie. C’est une poche assez complexe à réaliser, car il convient de cranter l’entoilage de poitrine (qui donne le galbe à la veste), mais aussi de la coudre par l’extérieur au point perdu. On lui donne généralement une largeur de 11,5 cm, avec une pente de hauteur 1,5 cm par rapport au droit fil. On trouve la poche poitrine en quatre exemplaires sur les gilets. Elle peut également servir de poches ventrales sur les blousons et autres parkas. poche3

4- Une variation de la poche côté est la poche plaquée. Elle apparait comme plus simple, plus décontractée, accompagnant les costumes de campagne, les tweeds ou encore les blazers d’été. Elle est très soumise aux variations de la mode. Elle est par ailleurs assez difficile à réaliser, demandant deux bonnes heures de travail à un apiéceur qualifié. Il faut en effet la coudre par l’extérieur, aucune coupe dans la toile n’étant réalisée. Elle est fixée au point coulé et au point perdu et ses arrondis sont difficiles mais souvent caractéristiques d’une maison. Cette poche peut aussi varier dans sa présentation et arborer un soufflet, un pli creux (illustration 2) ou encore un bouton ou un patte.poche6poche9

5- Le plus souvent, une veste à poches plaquées arbore une poche poitrine également plaquée. C’est d’un style très 60’s, mais tout à fait délicieux, surtout avec un mouchoir de pochette négligemment froissé. Elle peut également se présenter avec un pli creux, un rabat (illustration) etc…poche7poche10

6 et 7- La première des poches intérieures et la poche de parmenture, le plus souvent présentée dans un biais allant de la poitrine à l’aisselle. Elle est réalisée en doublure, y compris ses passepoils. Elle arbore en plus un capucin, cette petite patte triangulaire percée d’une boutonnière. La poche de parmenture est le plus souvent accompagnée d’une poche à stylo, réalisée elle aussi en doublure.poche4

8- La poche intérieure basse, ou poche téléphone n’est pas une invention moderne, mais a souvent changé d’usage. Elle est intégralement en doublure et se positionne dans la doublure, ce qui ne la rend pas aisée à fabriquer. poche5

9- Enfin, le dernier type de poche qui est une fantaisie des tailleurs est la poche à oignon. Il ne s’agit pas là d’un détail culinaire mais de la poche destinée à recevoir la montre à gousset, appelée oignon. C’est un détail qu’on ne voit plus beaucoup, et qui est du reste difficile à réalisé.poche8

Voilà pour ce tour des types de poches. La norme chez les tailleurs ou en prêt à porter est de 7 poches au total sur une veste : deux poches côtés, une poche poitrine, deux poches de parementure, une poche stylo et une poche téléphone. Mais cela peut-être plus. La maison Camps de Luca par exemple avait pour habitude de disposer 11 poches dans les vestes, les 7 normales plus une poche ticket, une autre poche stylo, une autre poche téléphone et une poche à oignon!

Le noeud papillon

Il est avec la cravate l’un des deux grands moyens de clore une mise, de nouer le col d’une chemise, et même s’il s’est perdu, le nœud papillon reste un incontournable, certainement très chic !

Le nœud papillon est appelé bow tie par les Anglais, ce qui est plus proche de son sens de « cravate nouée ». Très courant jusque dans les années 60, il a ensuite perdu beaucoup de son statut, jusqu’à être récupéré par les clowns comme signe burlesque ! De nos, jours peu de personnes en portent quotidiennement, la cravate l’ayant supplanté. Il faut bien reconnaître que le nœud pap’ peut faire sourire. Son port est quasi exclusif aux jeunes et hommes de lettres.

Pourtant il a ses avantages. Il était notamment portés par les médecins et les architectes qui aimaient sa tenue, la cravate ayant une tendance à frotter l’encre de chine sur la table à dessin par exemple. Hergé ou Jacobs (qui inspirent tant les dessins de Stiff Collar, illustration) portaient pour cette raison aussi des nœuds papillons.
epjacobsCela dit, il est notable qu’il revient quelque peu en grâce, porté par des marques comme Ralph Lauren qui communiquent allégrement avec lui. Il existe plusieurs sortes de nœuds papillons, faisons en le tour !

Le nœud papillon se présente sous la forme d’un ruban d’environ 80 à 90cm de long, de hauteur variable, en soie dur la plupart du temps, mais aussi en de nombreuses matières, de la flanelle au tweed en passant par le coton.

Il existe plusieurs formes de nœuds, ou plutôt de galbes, résumés dans le dessin suivant :
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A-    Le premier d’entre eux est le nœud ruban, qui se présente sous la forme d’un ruban d’environ 5cm de haut, sans forme particulière. Il est le plus difficile à nouer. Son rendu est serré avec un nœud épais.
B-    Le deuxième, une évolution du premier, présente une différence de hauteur entre le ruban et la partie à nouer. Il n’est pas plus facile à nouer et présente les mêmes caractéristiques esthétiques que le premier, à la différence qu’il passe sous un col turn-down.
C-    Le nœud galbé, l’invention la plus récente, présente des formes arrondies sur la partie à nouer. Il est facile à faire, car il tombe forcément dans son nœud si je puis dire…

Il est à savoir qu’un nœud pour ne pas être ridicule ne doit pas dépasser la largeur de votre visage, même mieux, la longueur entre les extrémités de vos deux yeux. Certains modèles en velours de chez Tom Ford seront dès lors à proscrire. Ceci dit, il existe un modèle complètement désuet mais fort prisé des américains dans les années 60 (et inventé par Brooks Brothers me semble-t-il) qui est fort long, mais terriblement charmant, comme le monde le dessin. On trouve également des nœuds à fins en pointes, même si la norme va aux nœuds à fins droites.

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Pour ce qui est des modèles du prêt à porter, il existe de nombreuses variantes que l’on peut résumer comme suit :

–    les rubans à la taille suivant le tour de coup. Ils sont difficiles à trouver en prêt à porter, exceptés pour les nœuds de smoking avec col cassé, qui évidemment doivent être continus. Ils sont donc côtés suivant le tour de cou, comme les chemises.
–    les noeud à agrafes à longueur variables. Ils sont les plus courants, cela évite aux boutiques d’avoir à stocker de nombreuses références dans de nombreuses tailles. Souvent ils sont pré-noués, mais peuvent se défaire, c’est le cas chez Charvet.
–    les nœuds noués industriellement et rapportés sur un ruban ou un élastique, autant dire, la lie de la lie. Leur rendu est souvent étriqué, car le nœud papillon est collé sur son support et ne fait pas un avec. Je déconseille fortement !
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Alors évidemment, l’intérêt de porter un nœud papillon réside dans le petit snobisme qui est de savoir le nouer. Évidemment, un nœud pré-noué à agrafe est tout à fait respectable. Mais si par exemple vous devez porter un col cassé, alors vous n’aurez pas d’autres solutions que de savoir le nouer. Entraînez-vous sur votre cuisse au début, c’est plus facile pour comprendre.

L’ennui avec le nœud papillon, c’est que personne ne peut le nouer pour vous, à la différence des cravates qui coulissent. Le nœud lui est fixé une fois noué ! Une bonne après-midi me fut nécessaire avant de savoir le faire. Ce lien présente une des bonnes illustrations mode d’emploi.

Si je résume : pour un droitier : 1- posez le nœud autour de votre cou, la partie gauche un peu plus basse (5cm)    2- la partie gauche passe par dessus la partie droite    3- nouez et serrez, et prenez la partie gauche toujours entre vos dents    4- présentez la partie droite en position horizontale, position nœud finie (il faut le plisser une fois)    5- passez la partie gauche dans une sorte de petit espace qui s’est créé derrière la patte droite lors de la mise place horizontale    6- tirer sur le tout et serrez, c’est fini.

S’il est véritablement simple comme bonjour de faire ce nœud, je suis en revanche complètement démuni pour l’expliquer convenablement. Souffrez devant votre miroir avec un graphique pour l’apprendre, je ne puis en dire plus… Bons nœuds !

MàJ: cette vidéo explique bien le processus.

Activités de mi-saison

Habitants de Paris, nous avons eu droit hier à une journée entière passée sous la pluie, annonçant l’arrivée des beaux jours, ceux que le gentlemen apprécie finalement, l’automne puis l’hiver. Ces saisons sont propices aux sorties des laines, cardées ou peignées, et des fourrures, vraies et soyeuses. Nous supporterons enfin de pouvoir porter nos plus beaux atours, en triple ou quadruple couches!

Mais pour l’instant, nous sommes seulement malade, les variations climatiques nous ayant donné le rhume de cerveau! Tâchons de voir le bon côté des choses: une petite souffrance au début de l’hiver stimule les défenses immunitaires, rien de tel pour éviter la grippe!

Quoiqu’il en soit, les activités domestiques sont importantes au début de la saison froide. Il faut d’abord prendre soin des ces vêtements estivaux, dont le placard attend le retour. Commencer par les lins, que vous prendrez soin de défroisser. Alors que l’on proscrit la vapeur pour les laines, il n’est hélas pas d’autres solutions qu’un jet puissant pour aplanir un dos, des côtés, des manches. Vos cotons peuvent souffrir le même traitement. Les laines doivent êtres en revanche mieux traités sous peine de les voir se lustrer!
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Les costumes en laine ne supportent que le nettoyage à sec, mais pas celui de votre pressing minute. D’ailleurs vous pouvez très bien nettoyer votre costume vous-même! Il faut éviter dans les pressings : le nettoyage à sec (les produits chimiques sapent l’entoilage et les laines) et le nettoyage vapeur, surtout si votre costume est thermocollé (la toile thermocollante ne résiste pas à la vapeur et cloque…). Un nettoyage en fin de saison suffit amplement à un costume!

Donc, l’usage d’une pattemouille est recommandé pour les costumes de laine. L’idéal est une toile de coton type percaline, fine et résistante. Immergez là puis appliquez sur le costume, et posez le fer. La vapeur se dégage, la crasse aussi. Commencez votre costume en laine au fer sec, par la doublure intérieure. Insistez à la pattemouille sous les aisselles. Puis, l’extérieur, à plat, avec la pattemouille toujours, idem pour les manches et le dos. Vous pouvez insister avec un peu de vapeur à l’extérieur sous les aisselles. En tout cas, ne posez jamais le fer directement sur la laine, ça lustre! L’effet lustré se repère à un aplat blanchi, lumineux sur la laine. Finissez votre roulant de revers en repassant le tiers supérieur du revers et le col, à la patte sèche, ou à la pattemouille.

Placez alors vos costumes et vestes dans des housses, en plaçant des anti-mites dans les poches ou sur les cintres. D’ailleurs à ce sujet, savez-vous pourquoi les embauchoirs sont habituellement en cèdres rouges? Car le cèdre rouge est une anti-mites naturelle, et placer ses chaussures en bas de placard prévient donc l’arrivée du papillon! À ce sujet, donnez un dernier petit coup de brosses à vos derbys bicolores blanc et beige avant de les ranger individuellement dans des sacs en toile, puis placez de l’english lavender dans de petits sachets pour embaumer vos placard.

En automne, sortez couvert!
En automne, sortez couvert!

Maintenant, sortez votre parapluie d’hiver, qui est noir et enroulé soigneusement dans son étuis, et partez serein chez votre tailleur (septembre est toujours la saison creuse pour eux, ils auront du temps à vous consacrer), vos habits d’été attendent maintenant patiemment le retour des beaux jours (les autres)!

Ne pas avoir une belle image

Je lisais tout à l’heure l’entête d’un nouveau blog qui se destine ‘aux hommes soucieux de leur image’, ce qui me donne l’occasion de réagir.

Certes l’idée n’est pas fausse, mais elle n’est pas première et ne fonde, de l’avis de Stiff Collar, aucune règle d’élégance. Se préocuper de son image n’est qu’une basse préoccupation narcissique, qui du reste correspond très bien au monde dans lequel on vit! Mais la véritable élégance se situe ailleurs, dans le respect de traditions artisanales d’abord. Vouloir porter un beau costume et une cravate discrète premettra d’acquérir une mise correcte, mais certainement pas impressionnante!

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Cela me rappelle une histoire de champ de course : Brumel était approché par un jeune compatriote qui lui dit : « bonjour, j’ai remarqué votre élégance dans la foule » ce à quoi il répondit « si vous m’avez remarqué, c’est que je n’étais pas élégant »… L’élégance est donc une question de discrétion, du moins celle des gentlemen! A l’inverse, il est vrai que l’esthétique dandy est plus une question d’image que l’on veut renvoyer, à dessein. Mais le vrai dandy n’a qu’un seul but dans la vie, augmenter sa rente… Il est donc hors du système de valeurs du gentleman travailleur. C’est une espèce rare.

Alors, il faut faire attention aux idées que l’on proclame en matière de mode masculine. Etre élégant, c’est respecter son maître tailleur pour pouvoir respecter son futur interlocuteur. Rockfeller grand père disait en 1929, que s’il lui restait 1000$, il l’investirait dans un bon costume. Non pas par souci de son image, mais par souci de respect et donc de mise en confiance face à autrui. Car c’est dans la mise en place d’un ensemble complet, cohérent et hiérarchisé de valeurs que l’on peut faire naître stabilité, respectabilité et solvabilité ^^ L’image n’est pas une question de théatre à laquelle on fait attention, l’image est l’expression finale d’un système, dans lequel on a conscience de sa place, de son potentiel et de ses libertés.

Ces messieurs les fripiers

S’il est un métier méconnu du grand public mais reconnu par les connaisseurs, c’est bien celui de fripiers, en habillement masculin notamment, la filière étant plus rare. Le fripier est un expert incontournable de l’histoire du vêtement, magasinant dans les successions, les ventes aux enchères, les donations et autres vides greniers. Il déniche des perles rares qui une fois retapées valent leurs pesants d’or : tissus anciens, façons de grande mesure ou encore coupes inédites…

Parfois même, cette démarche fait éclore des modes ; ou alors la mode conçue comme une ‘humeur de société’ s’y intéresse et met la met en lumière. C’est ce qui arriva au cours des années 60 et 70 à trois personnalités maintenant célèbres du monde du textile, trois anciens fripiers arrivés aux sommets : Ralph Lauren (qui s’appelait à l’époque Ralph Lifschitz), Paul Smith et Jeremy Hackett.fripeJSCTous  les trois, travaillant comme vendeurs dans diverses maisons masculines, avaient pour coutumes de chiner à la poursuite de merveilles anciennes qu’ils pourraient mettre ou revendre à bon compte. L’histoire de Jeremy Hackett est notable à plus d’un exemple. Alors qu’il travaillait comme vendeur dans une enseigne londonienne de vêtements, la fripe l’occupait encore plus. Mais pas de n’importe quelle manière. Il était connu pour visiter les châteaux du Royaume Uni, à la recherche d’héritages encombrants de vieux lords et autres marquis, contenant de prestigieux habits comme les frack, les mornings suits ou encore les chaussures et les chapeaux. Il était d’ailleurs en cheville avec un revendeur des puces de Saint Ouen qu’il fournissait en ‘vintages’ dirait-on aujourd’hui.

Mais cette démarche créa bientôt une envie plus générale de la part de la population soucieuse de se vêtir correctement, une envie d’ancien, d’authentique, à l’image exacte de ce qu’ont produit en neuf (la bonne idée était là) Polo RL, Paul Smith ou Hackett, avec le succès qu’on leur connaît. Les mauvaises langues rajouteront que Hackett est un peu plus petit que RL, mais il faut bien avouer que le soucis de qualité n’est pas le même…

L’une des dernières bonnes adresses à Paris pour ce qui est la fripe homme de luxe : COME ON EILEEN au 16, rue des Taillandiers 75011. Les arrivages ont lieu trois fois par mois, notamment en provenance d’organisations caritatives juives, signant la présence de quelques très belles pièces de grande mesure.

Les couleurs des accessoires

Acheter un élégant costume et cirer ses chaussures ne fait pas tout pour être élégant, encore faut-il compléter la tenue des indispensables accessoires masculins. Nous comptons divers objets à même de parfaire une mise : les boutons de manchette, la ceinture ou mieux les bretelles, la montre, une épingle à cravate, un mouchoir de pochette.

L’une des règles d’or en la matière est la concordance des tons et des couleurs. Ainsi, il est impératif si l’on décide de porter une montre à boîtier doré de porter des boutons de manchette dorés et une boucle de ceinture dorée. À l’inverse, l’argent devra correspondre sur tous les objets cités. Cette démarche impose de posséder les objets en or et en argent, tels que au moins deux montres,  quatre ceintures (marron en or et argent, noire en or et argent), deux paires de boutons de manchette et éventuellement deux pinces à cravate. Il est vrai que cette démarche impose de savants calculs le matin lors de l’apprêtement préalable à la sortie, mais quelle délectation lorsque l’ensemble est réussi. Cette correspondance des teintes donnera une sobriété à votre tenue, ce que tout gentleman recherche, loin des mises criardes si souvent vues et prisées. Les souliers évidemment, doivent correspondre à la couleur de la ceinture, marron ou noir, voire gris, c’est le B-A-BA.

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A propos de la montre, vous me direz qu’elle possède également un bracelet en cuir dont la couleur doit s’accorder au reste des cuirs que vous portez. Et c’est tout à fait vrai finalement. Les grands amateurs d’élégance sont souvent des collectionneurs avertis d’objets à mouvements et donc harmonisent aussi ce détail. Mais ce sont des snobs (avec humour). A notre humble niveau, tâchons seulement d’éviter de porter une montre de sport à bracelet acier, du plus vilain effet avec un costume. On peut alors ruser pour échapper à l’assortiment des cuirs, pourquoi ne pas essayer un bracelet en galuchat bleu par exemple, si on aime porter du bleu?

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Enfin la pochette dans votre poche-poitrine sera le point d’honneur de l’élégant. Harmonisez là sur votre chemise ou votre cravate, mais attention, elle ne devra jamais être de la même étoffe, c’est vulgaire. Les classiques sont en lin ou en coton, voire en soie. En avoir une blanche et une bleue est un bon début. Positionnez là à l’anglaise (A), à l’américaine (B) ou à l’italienne, chiffonné (C), c’est selon votre goût. Sachez en tout cas qu’un ‘costume vide’ l’est tout autant que son propriétaire disait un illustre gentleman anglais !

pochettesjscToute cette cuisine est compliquée me direz-vous. Il est vrai ! Allez-y pas à pas, soldes après soldes ; car une chose est sûre, sans complication il n’est point d’art, et sans art point de beauté !

PS : l’unique endroit pour acheter une bonne ceinture à Paris: l’atelier CATELAN! Vous choisissez la peausserie (parmi une belle gamme de qualité, dont des cuirs Crockett et Jones) et la boucle, et ils coupent la ceinture puis la patinent!